Est-il bien raisonnable de laisser un cinéaste déraisonnable commenter chaque mois l’actualité en toute liberté ? Assurément non. Causeur a donc décidé de le faire.
Mon parcours et deux de mes films (La Journée de la Jupe et Arrêtez-moi) témoignent de ma conviction sur la nécessité du combat féministe. Je ne fais pas partie de ceux qui ricanent ou lèvent les yeux au ciel aux mots harcèlement, sexisme, viol… et la liste est longue.
J’ai en revanche beaucoup de difficulté à adhérer au discours féministe communautariste dont Caroline de Haas est devenue l’incarnation à la force du poignet. (N’y voyez aucune allusion graveleuse.) Son féminisme me fait furieusement penser à l’antiracisme des Indigènes de la République : un racisme à l’envers incarné à la perfection par le radicalisme sectaire des dirigeantes des deux mouvements. Ses dernières déclarations dans L’Obs ne font que me conforter dans la défiance qu’elle m’inspire : « Un homme sur deux ou sur trois est un agresseur [sexuel]. » Résultat obtenu en suivant, d’après elle, une « logique infaillible » : « Il est admis qu’une femme sur deux a été victime de viol, d’agression ou de harcèlement. »
Caroline de Haas, l’indignation sélective
Ici, petite pause, car si un viol ou une agression physique sont objectivement faciles à qualifier, agression verbale et harcèlement sont deux notions qui varient considérablement suivant qui les apprécie. Si je me réfère aux critères de madame De Haas, on peut raisonnablement estimer qu’environ trois femmes sur deux ont été victimes. Toujours est-il qu’elle en tire une conséquence mathématique à la hauteur de ses compétences en la matière (elle a une maîtrise d’histoire contemporaine) : un homme sur deux ou sur trois est donc l’auteur d’un viol, d’une agression ou de harcèlement. La subtilité de l’algorithme employé m’échappe et la pertinence de la réforme des maths proposée par Jean-Michel Blanquer et Cédric Villani m’apparaît soudain criante.
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Cette manière de vouloir à tout prix opposer hommes et femmes, de désigner les méchants hommes comme le PIR désigne les méchants Blancs, relève d’un communautarisme simplet et dangereux. De plus, l’affaire de l’UNEF montre que Caroline De Haas a l’indignation aussi sélective que nos amis du PIR. Dans une tribune du Monde du 23 novembre 2017 intitulée « Militantes, nous dénonçons les violences sexistes et sexuelles à l’UNEF », 83 ex-adhérentes dénoncent le « véritable contrôle du corps des femmes » qu’ont imposé plusieurs dirigeants du syndicat étudiant pendant de nombreuses années. Or, la grande majorité des signataires militaient à l’UNEF entre 2003 et 2009, années pendant lesquelles madame de Haas en a été la trésorière puis, de 2006 à 2009, la secrétaire générale.
Et Caroline n’en a jamais parlé ?
« Bah, j’en sais rien puisque comme je ne les connais pas, les victimes ! »
Voilà donc une militante capable, au nom de la juste cause qui l’aveugle, de malmener l’arithmétique, de rapporter des faits plus que vagues sur France Info le 13 février : « J’ai eu des amies qui m’ont dit qu’elles avaient entendu des victimes parler de faits de harcèlement. J’ai plusieurs éléments qui sont remontés, au moins deux ou trois. » Approximation qu’Aphatie tente d’éclaircir : « Excusez-moi, parce que c’est assez grave, vous dites “deux ou trois”, c’est deux ou c’est trois ? – Bah, j’en sais rien puisque comme je ne les connais pas, les victimes ! Comme j’ai trois histoires qui me remontent, si ça se trouve ça concerne la même personne. »
Bah vi ! Si ça se trouve. Allez savoir… Sans compter qu’on n’a plus de saisons ma pauv’dame.
Mais en revanche, muette sur des faits graves concernant bien plus que deux ou trois personnes, alors qu’elle était pendant six ans aux premières loges du spectacle ? Incroyable…
D’autant qu’une deuxième vague de 16 témoignages est venue aggraver le cas de l’UNEF dans Libération du 19 février 2018. Provenant de femmes déclarant avoir été victimes de harcèlement, d’agressions sexuelles et de viols de la part de dirigeants de l’organisation étudiante entre 2007 et 2015. Pendant les premières années, Caroline De Haas occupait encore de hautes responsabilités à l’UNEF. Qu’a-t-il pu se passer pour que ses antennes si promptes à déceler le mal chez le mâle ne frémissent pas ?
Y a-t-il des bons et des mauvais porcs ?
Les 83 signataires du texte du Monde écrivent : « Certaines et certains nous ont rappelé la nécessité de “protéger” l’organisation. Cet argument a contribué à réduire au silence les victimes depuis toutes ces années… » Et qu’écrivait donc Houria Bouteldja, prêtresse du PIR, dans son livre, dont le titre est déjà un vomitif puissant, Les Blancs, les Juifs et nous : vers une politique de l’amour révolutionnaire : « Si une femme noire est violée par un Noir, c’est compréhensible qu’elle ne porte pas plainte pour protéger la communauté noire. » Fâcheuse convergence des mécaniques identitaires.
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Incompréhensible de la part d’une militante intraitable qui, le 20 janvier dernier, ne trouvait pas de mots assez durs pour les pétitionnaires rassemblées autour de Catherine Deneuve et Catherine Millet : « Les porcs et leurs allié.e.s s’inquiètent ? C’est normal. Leur vieux monde est en train de disparaître. Très lentement – trop lentement – mais inexorablement. »
Je me rends bien compte qu’en tant qu’homme blanc de plus de 50 ans ma parole est triplement sujette à caution, mais n’y avait-il pas à l’UNEF toute une porcherie à balancer ? Je ne peux croire que Caroline considère qu’il y ait des porcs recyclables et des porcs à balancer. Un porc de gauche serait-il un porc sain ? Y aurait-il, comme pour les chasseurs des Inconnus, les bons porcs et les mauvais ? « Le mauvais porc, il harcèle et il viole ! Alors que le bon porc, il harcèle et il viole, d’accord… Mais c’est pas pareil… »
Truie sélective
Il ne faudrait pas que sa notabilité à laquelle elle a tant travaillé – elle dit elle-même dans une interview à Street Press du 11 février : « (…) Je devenais complètement folle, j’en venais à chouiner quand BFM appelait quelqu’un d’autre que moi. » [Pour parler féminisme, NDLR] – se voie compromise par un silence coupable. Comment vendre « de la formation et de la communication en matière d’égalité des sexes », si elle a tu ici ce qu’elle dénonce partout ailleurs ?
Il vaut mieux penser que cette histoire de l’UNEF a été montée en épingle. Ce qu’on appelle exagérément harcèlement n’était-il pas seulement une proximité incontournable due à la faible largeur des couloirs du syndicat étudiant ? Je ne peux pas croire qu’au milieu de tous ces cochons de l’UNEF, dame Haas ait fait la truie sélective par crainte que son auge ne soit plus remplie.
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