Accueil Édition Abonné UNEF: cette ligne manquante sur le CV de Caroline De Haas

UNEF: cette ligne manquante sur le CV de Caroline De Haas

L'UNEF des fous


UNEF: cette ligne manquante sur le CV de Caroline De Haas
Caroline de Haas en campagne pour les législatives dans la 18e circonscription de Paris, 7 mars 2017 ©Joly LEWIS/ SIPA

Caroline De Haas ne mentionne pas sur son CV sa première expérience professionnelle comme administratrice de la LMDE (2006-2009). Et pour cause. La sénatrice LR Catherine Procaccia, qui a mis fin au régime étudiant, répond à nos questions sur cette mutuelle qui fut si mal gérée par l’UNEF.


 

Fondé en 1948, le régime de sécurité sociale des étudiants a définitivement disparu en août 2019, les quelques 1,2 million d’assujettis étant désormais directement rattachés à l’Assurance maladie. La réforme était devenue inéluctable, en raison des prestations calamiteuses de La Mutuelle des étudiants (LMDE, héritière de la MNEF), qui représentait la moitié du régime. L’autre moitié était couverte par les mutuelles régionales du réseau Emevia. Carte vitale délivrée avec des mois de retard, service de réclamation injoignable, délais de remboursement ahurissants, pendant des années, la LMDE a fait vivre l’enfer à des dizaines de milliers d’étudiants.

A lire aussi: [Enquête] Caroline de Haas, la fortune de la vertu

Détail souvent passé sous silence, elle avait un conseil d’administration, où siégeait systématiquement une écrasante majorité de délégués issus de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF). Ces délégués touchaient une indemnité moyenne de 1 200 euros par mois, avec des pointes à 2 200 euros, pour un total annuel de 250 000 euros. Caroline De Haas a fait partie de ces administrateurs rémunérés par la mutuelle, lorsqu’elle était secrétaire générale de l’UNEF, de 2006 à 2009. Son CV en ligne sur Linkedin n’en parle pas. Et pour cause. Lors de cette première incursion dans le monde de l’entreprise, alors qu’elle avait le pouvoir concret d’aider des centaines de milliers d’étudiant.e.s, elle n’a rien fait qui ait laissé la moindre trace. On peut dire à sa décharge qu’elle n’a été, sur ce point, ni pire ni meilleure que les autres administrateurs[tooltips content= »Telle Sibeth Ndiaye, actuelle porte-parole du gouvernement, qui a siégé à la LMDE de 2003 à 2008″][1][/tooltips]. Personne ne leur a jamais demandé de comptes, souligne – sans animosité – la sénatrice LR du Val-de-Marne Catherine Procaccia, à l’origine de la proposition de loi qui a mis fin au régime étudiant.

À lire aussi: L’Unef et compagnie, machines à inventer des conneries

Entretien avec Catherine Procaccia

Causeur. Les étudiants administrateurs de la LMDE étaient-ils conscients de l’étendue du désastre ?

Catherine Procaccia. Sans l’ombre d’un doute. En 2013, la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) a été appelée en renfort, pour tenter de remettre de l’ordre dans la gestion de la LMDE. Les cadres envoyés en mission ont vu arriver les administrateurs élus de l’UNEF avec une liste d’étudiants VIP dont il fallait traiter les dossiers en priorité !

À partir de quel moment peut-on dire que l’UNEF sait forcément que la LMDE est en crise ?

Mes premières questions écrites au Sénat sont un peu antérieures à 2009. À cette période, ma fille était étudiante. La LMDE était injoignable, je me suis rendue dans une agence. Les files d’attente s’étiraient sur le trottoir. Une de ces agences était tout près de l’université de Jussieu. Comment les élus étudiants auraient-ils pu ignorer qu’il se passait quelque chose ? Ils savaient. Ils faisaient remonter quelques dossiers défaillants, comme des faveurs, pour montrer leur utilité, et puis ils encaissaient leur petit pécule tous les mois. Pas si petit que cela, du reste. 1 200 euros par mois lorsqu’on est étudiant, ce n’est pas rien.

Le service était défaillant, mais y avait-il vraiment des conséquences dommageables pour les affiliés ?

Une étudiante avait besoin d’une prothèse pour marcher. La LMDE l’a fait lanterner pendant un an avant de s’apercevoir que son dossier relevait en fait de l’Assurance maladie… Lors de sa première année, le fils du sénateur PS Ronan Kerdraon, qui a cosigné un rapport sur le régime étudiant avec moi, a reçu sa carte Vitale en avril. Ses parents pouvaient avancer l’argent des soins éventuels. Ce n’était pas le cas de tous. Les étudiants étrangers, encore plus perdus que les autres, repartaient de France sans n’avoir jamais reçu leur carte Vitale, dans l’indifférence. C’était une catastrophe.

Pourquoi les administrateurs n’ont-ils jamais rendu de comptes ?

Parce qu’on ne leur en a jamais demandé ! Personne n’a tenté de faire fonctionner correctement cette mutuelle. Elle privilégiait les recrutements politiques, à l’image de ma collègue sénatrice Laurence Rossignol, chargée de mission à temps partiel à la LMDE de 1993 à 2011, pour un travail qui ne lui prenait vraiment pas beaucoup d’heures par semaine. L’État a laissé faire, et pas seulement quand le PS était au pouvoir. J’ai été très agréablement surprise en 2017 lorsque la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé son intention de reprendre ma proposition de supprimer purement et simplement le régime étudiant. Au cours de mon mandat de sénatrice, c’est certainement ce que j’aurai fait de plus directement utile, pour le plus grand nombre de personnes. J’en suis fière. Quant aux administrateurs qui se sont bien recasés, tant mieux pour eux.

Janvier 2020 - Causeur #75

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent La « cancel culture » débarque en France
Article suivant Muray, l’homme qui instrumentalisait les femmes
Journaliste

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération