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Caroline Cayeux la pestiférée

Le retour du stalinisme...


Caroline Cayeux la pestiférée
Caroline Cayeux, 4 juillet 2022, Paris © ISA HARSIN/SIPA

La ministre subit un procès stalinien, intenté par le lobby LGBT, pour ses positions passées contre le mariage homosexuel.


Ce qui se passe avec la sénatrice Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, est assez effrayant sur les plans politique et intellectuel. Je précise que je ne la connais pas, mais je n’ignorais pas qu’avant la composition du nouveau gouvernement d’Elisabeth Borne, elle était présentée comme l’une des préférées d’Emmanuel Macron.

Depuis plusieurs jours, le magazine Têtu et la communauté LGBT mènent une offensive contre elle pour des propos qu’elle aurait tenus, des positions qu’elle aurait adoptées et, plus généralement, un manque de soutien à la cause des homosexuels quand elle était sénatrice. La Première ministre Elisabeth Borne fait ce qu’elle peut pour la sauver, mais au sein du gouvernement et autour, dans ces cercles progressistes qui n’admettent pas qu’on n’ait pas toujours pensé comme eux (comme s’il y avait, dans certains domaines sensibles, une vérité obligatoire), il y a de l’émoi, une indignation larvée ou explicite, même une volonté de la voir disparaître du gouvernement.

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Et, en plus, l’obsession de sa stigmatisation comme si tout au long, notamment depuis 2013 où elle niait l’existence d’une communauté LGBT (elle avait bien tort, elle s’en rend compte aujourd’hui), elle avait perpétré un péché mortel sur le plan de la pensée et de la morale. Parce qu’elle avait emprunté un chemin différent, elle serait pestiférée ? Cela continue. Une centaine de personnalités (dont des membres de la majorité présidentielle, en particulier Manuel Valls qui a des leçons à donner!) dénoncent « les propos homophobes » de la ministre et déjà un autre est dans le collimateur, Christophe Béchu (il a fait retirer, paraît-il, une campagne de prévention contre le VIH montrant des couples gays). Je ne serais jamais de ceux, aussi modeste que soit mon rôle, qui participeront à un tel lynchage où ce qui est déclaré bienséant et correct a décidé d’éradiquer ce qui fut et n’était pas un crime contre la liberté de l’esprit. On a concédé l’honneur de notre liberté de conviction et d’expression à des groupes qui en usent comme ils l’entendent. Double défaite : on l’a perdue puis on est châtié !

Caroline Cayeux s’est excusée, a fait amende honorable, a affirmé qu’elle regrettait et qu’aujourd’hui elle ne proférerait plus les mêmes propos ni n’aurait les mêmes convictions. Mais, à l’évidence, cela ne suffit pas et c’est bien là le retour du stalinisme en France que j’ai évoqué dans mon sous-titre.

Pour la communauté LGBT, avoir imposé une repentance n’est pas assez : il faudrait encore que la pécheresse avoue son ignominie et soit honteuse d’avoir eu un jour ces positions insupportables pour elle, intenables aujourd’hui. Il est indécent de seulement regretter : il faut se mépriser, cracher avec volupté sur soi. Et pour rien car dans ce domaine, pour ses accusateurs, rien n’est pardonnable !

Quel étrange pays que celui où on dicte de force le bon grain et l’ivraie sans laisser à la personne concernée la responsabilité d’arbitrer, dès lors qu’elle respecte la loi et de surcroît a même la faiblesse de cracher sur sa liberté passée ! Je refuse de rentrer dans ce débat en couvrant de fleurs la communauté LGBT, ce qui m’aurait assuré une bienveillance de principe. Toutefois, je précise qu’il est évident que j’aurais usé d’une autre forme que la sienne. « Ces gens-là », en effet, apparaît au moins condescendant à l’égard de personnes dont la sexualité et le choix de vie sont juste différents. Mais Caroline Cayeux, en réalité, a été bien trop complaisante. Imaginons une personnalité courageuse. Quand la ministre Olivia Grégoire, pour la défendre, souligne que tout le monde a droit « à une erreur », Caroline Cayeux aurait pu dire qu’elle avait le droit de penser ce qu’elle a pensé, même dans une formulation extrême (le mariage pour tous est « contre-nature »), qu’elle aurait eu le droit de participer à la Manif pour tous, qu’elle n’était pas contrainte de se mêler à toutes les actions festives ou non organisées par les homosexuels et la communauté LGBT (contrairement à ce que lui suggérait sa collègue Marlène Schiappa guère solidaire), qu’il n’était écrit nulle part dans notre code républicain qu’il y avait des convictions qui auraient été honteuses en elles-mêmes, dès lors qu’elles ne se traduisaient jamais par des actes illégaux…

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Que se serait-il passé si Caroline Cayeux avait développé ce point de vue conforme au bel esprit d’une liberté d’expression que la France a connu mais que clairement elle a perdu puisqu’elle accepte, sans se rebeller, des procès staliniens au petit pied où la personne d’emblée déclarée coupable doit se couvrir de cendres et s’avouer indigne ? Alors que jusqu’à nouvel ordre la communauté LGBT n’a pas vocation à nous imposer une autre loi que celle de la République, que Caroline Cayeux respecte…

Le stalinisme intellectuel, c’est interdire d’assumer hier qui n’avait rien de déshonorant au nom d’aujourd’hui et d’un humanisme se vantant d’être totalitaire. Je suis très pessimiste. Ce mouvement est tristement irréversible qui nous conduit vers une dictature des minorités. De communautés qui, pour avoir longtemps souffert, jouissent de délégitimer les convictions contraires et d’humilier les personnes qui les ont partagées. S’en prenant de plus à des personnalités qui offrent, comme Caroline Cayeux, le grand avantage d’accepter l’inquisition qu’elles subissent et de tendre, consentantes, les deux joues… La lâcheté de ce monde politique, de cet univers du pouvoir, m’écœure.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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