Sauf que quand on regarde les recrues des madrasas pakistanaises, on voit bien que ces puceaux sont très loin des objectifs. La plupart sont des mômes venus du bled ou des bidonvilles, qui aiment la bouffe gratuite et l’idée de tirer les gens comme des lapins, deux choses dont les adolescents raffolent spontanément. Ils sont d’accord pour appuyer sur la gâchette et assez abrutis pour se porter volontaires; c’est à peu près tout ce qu’on peut dire en leur faveur. Tous ces mômes sont prêts, ça ne signifie pas qu’ils soient doués. Ils ne savent pas se fondre dans l’univers des aéroports, ni celui des affaires. Ils ne parlent pas l’anglais ou alors le genre de baragouin enturbanné qui fait sonner les signaux d’alarme dans tous les postes-frontière du monde. Ils ont l’air pakistanais, et pas Pakistanais de l’élite au teint clair, de haute taille comme la star de l’équipe nationale de cricket. Ils ont encore sous les ongles la boue des labours.
En d’autres termes, voici vos ressources humaines, et elles sont d’une valeur limitée. Vous n’en ferez jamais des James Al-Bond, infiltrant le FBI et Wall Street. Ils sont aussi bornés que des briques. Mais ils sont également courageux et ont envie de tuer. Comment se servir d’une telle main d’œuvre ? Pas selon le schéma classique d’Al Qaïda, dans lequel on en envoie un ou deux à la fois pour faire la liaison avec les islamistes locaux et préparer l’attentat traditionnel où cinq bombes explosent simultanément. Ils n’ont pas le savoir-faire. Ils se feraient repérer aussitôt.
Reste leur seule arme : le nombre. On ne peut les introduire à Londres ou à Manhattan, mais il existe une cible facile beaucoup plus proche du Pakistan où traînent un tas d’Anglais et d’Américains. Mieux encore, il s’agit d’un centre financier pour l’Inde, l’ennemi détesté du Pakistan, ce qui range l’ISI dans votre camp parce que rien ne fait plus fulminer les cercles dirigeants des services spéciaux pakistanais que de voir l’Inde s’enrichir et devenir ultra-tendance, tandis que le Pakistan s’enfonce dans le chaos.
Attention, quand je dis que l’ISI est du côté des assaillants, je ne suis pas en train de dire que tous les chefs de l’ISI ont approuvé ce plan officiellement. Rien n’est simple au Pakistan, tout est obscur, et en coulisses, même l’atmosphère est pleine de ténèbres. C’est plutôt comme ça que ça c’est passé : un chef de l’ISI en a entendu parler, a donné une approbation officieuse d’un hochement de tête et a refilé le bébé à un crétin quelconque marqué pour l’abattoir, qu’on peut pendre ou refiler aux « alliés » occidentaux quand tout sera fini, comme le traître qui a collaboré avec ces jihadistes diaboliques. Cet officiel de bas étage s’assure que le bateau plein d’ados des madrasas abrutis et assoiffés de sang ne se fasse pas arrêter à la douane. Il descend la côte ouest de l’Inde jusqu’à la péninsule où se concentrent toutes les cibles de valeur à Bombay. Et si vous regardez une carte de la ville (vous n’aurez pas de peine à vous en procurer une ces prochains jours) vous verrez à quel point il est facile d’y aborder en pleine nuit sur de petits canots à moteur venus d’un navire au large.
C’est un bon plan, tout simplement parce qu’il utilise au mieux les ressources islamistes locales. Ces types-là ne sont pas assez passe-partout pour franchir le contrôle de sécurité d’un hôtel ou pour poser une bombe, mais ça n’était pas un souci : ils sont passés par la grande porte en lâchant des rafales d’armes automatiques.
C’est pour ça qu’il est ridicule de dire que la sécurité était efficace dans les hôtels. Son but est d’empêcher les attaques sournoises, les poseurs de bombes. Pour stopper les sections-suicide qui s’en sont pris aux hôtels, il aurait fallu une compagnie d’infanterie au grand complet.
Au final, le tableau est tel qu’un économiste le comprend mieux qu’un analyste militaire. Je répugne à avoir l’air aussi cynique, mais finalement, l’affaire est simple. Souffrant d’un excès de main-d’œuvre non qualifiée, les islamistes pakistanais ont cherché à lui faire rendre sa rentabilité maximum, en termes de destruction et de bain de sang. C’est ce qu’on appelle l’exploitation rationnelle des ressources humaines.
Texte original publié sur le 28 novembre 2008 sur eXileD. Traduit de l’anglais par Thierry Marignac.
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