Carlo Guido, ténor excellant dans les rôles requérant beaucoup de coffre et de puissance, regrette la désaffection du monde lyrique français pour les « grosses » voix. Il nous livre ses souvenirs et ses coups de gueule contre un milieu qu’il considère en décadence.
Je me souviens de ma première fois à l’opéra. J’avais 25 ans. Je me rappelle ma surprise d’entendre si peu les voix des chanteurs. Cela s’est ensuite répété lors de mes sorties suivantes. Je n’avais jusque-là écouté cette musique que sur des CD. J’en avais alors parlé à Michel Fau dont la passion et la culture opératique sont colossales. Il m’avait expliqué que les grosses voix étaient, malheureusement, de moins en moins engagées, qu’il n’y avait plus de Mario del Monaco ou de Franco Corelli. Et il ajoutait : « Si ! j’ai bossé avec un mec qui est un chanteur de cette trempe : Carlo Guido. » Carlo Guido, un nom malheureusement absent des affiches. Au début de sa carrière, il a pourtant chanté des rôles parmi les plus importants du répertoire : Don José dans Carmen, Mario Cavaradossi dans Tosca, Turiddu dans Cavalleria Rusticana ou encore le rôle-titre de Don Carlo. Et cela dans des lieux tels que l’Opéra de Gênes, de Naples (Teatrodi San Carlo), de Shanghaï ou encore dans les arènes de Vérone, de Madrid et de Nîmes. Fau regrette cette désaffection, dans le monde de l’opérafrançais, pour ces grosses voix pourtant indispensables à une partie du répertoire. Alain Fondary– baryton iconique ayant partagé l’affiche avec Karajan, Pavarotti ou Shirley Verrett — lui a dit un jour : « Dans une autre époque que la nôtre, Carlo aurait été une star ! » C’est malheureusement bien dans notre époque que nous vivons. Nous retrouvons Carlo Guido dans un restaurant italien de la capitale pour une riche et très longue discussion à l’italienne, arrosée de beaucoup de vin et de rires, dont nous ne pourrons malheureusement publier ici que quelques extraits.
Causeur. Quand et comment la musique est-elle arrivée dans votre vie ?
Carlo Guido. À l’adolescence. Mes parents étaient des immigrés italiens. Pour nous, les problèmes psychologiques, ça n’existait pas. Il n’y avait que le travail. Mon père travaillait très dur. Et pour adoucir la peine physique, en rentrant du travail, il se mettait dans la chaise longue sur la terrasse et demandait à ma sœur ou à moi de lui mettre les disques des vieux chanteurs d’opéra : Beniamino Gigli, Mario del Monaco ou encore Luciano Pavarotti. Et dès que la musique commençait, je voyais mon père se détendre et prendre un pied incroyable à écouter ça. Cette musique effaçait sa peine et sa fatigue. Très vite, vers 12 ans, j’ai eu envie d’être à la
