Patrick Cohen, c’est ce journaliste qui, en compagnie de Pascale Clark, fait régner un certain ordre à France Inter, station indépendante du pouvoir de la droite. Il n’invite pas n’importe qui, il choisit les personnalités, qu’il recevra à l’antenne pendant la tranche horaire dont il a la charge, considérant que les quelques auditeurs[1. Les derniers résultats de Médiamétrie démontrent une nouvelle baisse de l’audience cumulée de France Inter.], qui persistent à écouter la radio du gouvernement de coalition socialistes-EELV, n’ont ni l’intelligence, ni la culture nécessaires pour trier le bon grain de l’ivraie. Mme Clarke fait dans le snobisme aigre, M. Cohen, dans la ligue de vertu. On sent chez lui un extrémiste du centre, un chercheur de vérité dans la périphérie du rond. De temps en temps, il soumet un ministre à un entretien d’une rudesse, qu’un observateur sans doute injuste qualifierait parfois « de connivence ». Peut-être a-t-il un faible pour les socialistes, mais il leur préfère les socialites[2. « Socialites », en Amérique, désigne la classe des très privilégiés, distingués du reste de l’humanité par le talent, l’argent, la réputation. Le plus talentueux chroniqueur de cette mondanité particulière fut Truman Capote, le meilleur écrivain de sa génération (avis personnel). On lira également avec bonheur le roman d’Edith Wharton « Chez les heureux du monde ».].
Non content d’exercer à l’antenne son magistère de la morale officielle des socialistes de pouvoir, il occupe un siège à la table de « C à vous », animée désormais par la piquante Anne-Sophie Lapix, bête noire de Marine Le Pen depuis qu’elle lui donna en direct une leçon de calcul mental[3. Marine Le Pen se fait moucher par Anne-Sophie Lapix – YouTube]. Il s’était manifesté à notre attention, il y a quelque temps, en reprochant à Frédéric Taddeï de convier des gens, qu’il jugeait peu recommandables, donc indignes de paraître dans un médium public. Taddeï s’était débarrassé de l’importun (Patrick Cohen, l’homme aux ciseaux entre les dents Causeur) avec aisance et vivacité. Celui-ci était sorti de l’échange la joue embrasée, comme frappée d’un soufflet invisible.
Son visage a retrouvé cette couleur empourprée sur le plateau de France 5, le 18 novembre. M. Cohen, assuré de lui-même, crut embarrasser Carla Bruni avec ses questions de petit procureur de la classe intermédiaire, composée essentiellement de journalistes, d’intellectuels et d’artistes que Gramsci qualifiait d’organiques[4. Dans ses cahiers (ou « quaderni ») Antonio Gramsci se livre à une très subtile analyse de la fonction des intellectuels dans la société.]. M. Cohen imagine sans doute qu’il est de son « devoir » de se comporter avec Carla B. en usant de la hargne mal maîtrisée, l’ironie pataude du « france-interviouveur » qui ne s’en laisse pas compter. Invitée comme chanteuse, dont l’actualité est un CD, que, pour ma part, je trouve très réussi, elle dut répondre au commissaire du people, qui voulut lui faire avouer que, femme du président, elle n’était pas libre de ses propos. Carla Bruni réitéra sa conviction d’avoir été, d’une part, une artiste libre, d’autre part, la femme du président de la République française.
Déjà rosissant, M. Cohen insista, parla de contraintes, d’obligations, de devoir de réserve… Il se fit alors renvoyer dans les cordes par une série de directs, qui lui laissèrent les joues gonflées et le teint de brique cirée, qu’on lui avait déjà connus (on verra cette plaisante séquence Carla Bruni rabroue Patrick Cohen en direct dans « C à vous ») : » Parce ce que vous, vous n’en avez pas, des contraintes, des obligations, des devoirs de réserve, tous les jours, à l’antenne […] Vous feriez mieux de faire attention à ce que vous dites. […] Et puis qu’est-ce que c’est que cette idée de voir la vie sans contraintes […] Être la femme de Nicolas Sarkozy, un carcan ? Quoi, d’être tombée folle amoureuse d’un type que j’aime ? Non, c’était un grand bonheur. D’avoir un petit enfant si tard avec lui ? Non, ça a été un miracle. Et de découvrir et rencontrer tous ces gens ? Non, ça a été une belle aventure. Mais peut-être que, pour vous, cela aurait été l’horreur ; pour moi, non ! ». Et, à la fin de l’envoi, elle touche : « Je suis très polie [mais] je n’aime pas tellement qu’on vienne me dire ce que je pense. ». Un arbitre bien attentionné eut déclaré M. Cohen K.O debout, afin de lui épargner la honte d’une défaite à genoux !
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !