Si le grand art du cinéma français consiste à faire exécuter de jolies choses à de jolies femmes, celui du cinéma américain, à l’inverse, a pour objectif de les anéantir. La Dame de Shanghaï d’Orson Welles en est le modèle indépassable. Dans la même perspective, Triangle de Christopher Smith vaut le détour.
Il débute, lui aussi, sur un yacht. Rien ne laisse présager que la croisière ne s’achèvera jamais. Comme dans Un jour sans fin, le chef d’œuvre d’Harold Ramis. La bande d’amis qui a embarqué sur un voilier à Miami et sera sauvée momentanément par un paquebot où le temps s’est arrêté, vivra une expérience digne de Shining et sera condamnée à la répéter inlassablement.
Superbe thriller d’angoisse, Triangle est littéralement porté par l’actrice australienne Melissa Georges dont la schizophrénie la conduit à faire de très vilaines choses, mais avec une telle intensité qu’on le lui pardonne volontiers et qu’on ne tient pas vraiment à échapper au cauchemar dont elle est, et nous avec elle, prisonnière. C’est ce qu’on appelle la passion, fatalement meurtrière. Rien à voir avec l’aimable libertinage des films français.
La morale de l’histoire, bien connue en psychiatrie, pourrait se formuler ainsi : » Si vous tenez à vous, gardez-vous d’une schizophrène. Si vous tenez à elle, alors expérimentez une nouvelle dimension de l’existence. Vous ne le regretterez pas. » Cap pour l’enfer donc. Après tout, on s’y ennuie moins qu’au paradis. Et on y est en meilleure compagnie.
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