Afin de proposer une société nouvelle, les régimes totalitaires ont toujours eu comme ambition particulière d’imposer leur idéologie à la jeunesse.
Ferments de tous les délires voués à être pérennes, les corps et esprits des enfants doivent être façonnés par les programmes scolaires du régime et par la propagande culturelle de masse.
Cet objectif de modélisation dès le plus jeune âge se retrouve donc aussi bien dans l’Hitlerjugend (jeunesse hitlérienne) que dans la Komsomol (jeunesse communiste de l’Union soviétique) ainsi que dans toutes leurs resucées.
Quand l’idéologie s’intéresse à la jeunesse
Et aujourd’hui ? Un nouveau totalitarisme n’échappe pas à la règle de ce racolage de la jeunesse à des fins idéologiques. Il s’agit de l’autoproclamé progressisme libéral, celui de L’Empire du Bien prophétisé par Philippe Muray. Une visée impérialiste pour imposer le Bien contre le Mal : « Tout ce qui a définitivement raison contre tout ce qui a tort à jamais ». Ce totalitarisme est porté par les Woke (les éveillés). Parce qu’ils considèrent être les seuls à être conscients des discriminations touchant les origines (eux préfèrent parler de race, tiens, tiens…), les genres et les prétendus dominés, ils pensent être en droit d’imposer une seule vérité, leur vérité. Oubliant la leçon de l’altérité comme moyen de se mettre à la place de l’autre et ainsi le comprendre, ils préfèrent paradoxalement au nom de l’altérité comme source d’affrontement, vouloir bannir l’autre si celui-ci a le malheur de penser différemment d’eux, donc pas « bien comme il faut ».
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En effet, l’arme de ce totalitarisme moderne, disons plutôt contemporain, est d’effacer tout ce qui n’est pas conforme à son idéologie par le biais de la pratique de ce qu’on appelle depuis quelques années la cancel culture et que Philippe Muray avait déjà décrit en 1991 comme « le lynchage » qui « prend maintenant des masques progressistes ». On pensait à tort avoir évité 1984 d’Orwell, mais comme il le rappelait : « Tout le monde se félicite de l’avoir vu, au long des années du XXe siècle, Big Brother, s’écrouler sous pas mal de masques. En vrai, en énorme, en sanglant. Et s’il avait changé, lui aussi ? S’il était devenu gentil, convivial, sécurisant, Big Brother ? ».
Alors on efface quoi dans l’actuel Oceania pour bien pétrir nos enfants et taire leur esprit critique ?
Il faut tout d’abord les protéger des œuvres culturelles passées. Disney rajoute ainsi des avertissements à tout va: « Ce programme comprend des descriptions négatives et/ou des mauvais traitements de certains peuples ou cultures ». Cela concerne par exemple les Indiens dans « Peter Pan », les chats siamois – donc asiatiques – dans les « Aristochats » et « La Belle et le Clochard », et même les corbeaux dans « Dumbo », qui sont racisés – comme on dit chez les éveillés – et représentent donc un stéréotype afro-américain. Cette semaine, ce sont six albums du lauréat d’un Prix Pulitzer et auteur pour enfants très populaire aux États-Unis, Dr Seuss, qui ont été retirés de la vente car considérés comme véhiculant des préjugés raciaux.
Pour les œuvres actuelles, la crainte des campagnes de dénigrement et le partage de l’idéologie dominante par ceux qui ont l’argent pour produire du contenu – c’est-à-dire les géants d’Internet comme Amazon, Netflix, etc. – permettent une autocensure très efficace. Alors parfois on tente d’aller encore plus loin comme le New-York Times, petit télégraphiste de L’Empire du Bien, qui se demande sans rire s’il ne faudrait pas supprimer Chase, le petit chien policier héros courageux de la série de dessins animés pour enfants « Pat Patrouille », car « faire connaître la brutalité policière signifie également bannir l’archétype du bon flic qui règne à la télévision ».
J.K. Rowling accusée de « transphobie »
Il faut également protéger les enfants non pas des œuvres, mais de leurs auteurs « malveillants ». La créatrice des romans Harry Potter, J.K. Rowling, est ainsi une affreuse transphobe qu’il faut boycotter car elle a osé affirmer qu’une femme est une personne qui a ses règles !
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Enfin il faut bien entendu effacer les différences entre les hommes et les femmes. Ce qui pourrait être un objectif louable en matière de différences sociales et économiques s’est malheureusement mué dans une guerre violente aux préoccupations futiles comme la couleur des vêtements ou l’écriture inclusive. Au lieu de soutenir par exemple la proposition d’une députée (pourtant En Marche) voulant interdire le port du voile pour des petites filles et ainsi les protéger du séparatisme dans les banlieues, la bien-pensance des beaux quartiers se satisfait que le jouet « Monsieur Patate » ne soit plus « genré »…
Hold that Tot – your main spud, MR. POTATO HEAD isn’t going anywhere! While it was announced today that the POTATO HEAD brand name & logo are dropping the ‘MR.’ I yam proud to confirm that MR. & MRS. POTATO HEAD aren’t going anywhere and will remain MR. & MRS. POTATO HEAD pic.twitter.com/6I84KrxOLQ
— Hasbro (@Hasbro) February 25, 2021
Comme dans tout fascisme, le prétendu et autoproclamé progressisme veut modeler la jeunesse afin de pérenniser son idéologie. Mené de longue date aux États-Unis le combat semble déjà perdu outre-Atlantique. Ce n’est peut-être pas le cas en France où la question fait débat en amont de changements qui seraient irréversibles. Dans « Cordicopolis », cette cité du monopole du cœur, Philippe Muray rappelait que les Français en étaient fort heureusement les « mauvais élèves ».
Trente ans après son pamphlet, s’agit-il d’un vœu pieux ou d’un espoir pour combattre cet Empire du Bien qui veut tant de mal à nos enfants ?
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