Ah ça, il y a des moments où l’on est fier d’être démocrate. C’est vrai, quoi : souvent on se prend à douter – est-ce que le suffrage universel est bien un mode de gouvernement à hauteur des enjeux de l’heure, est-ce que nos élus, si brillants soient-ils, sont bien armés pour affronter la mondialisation, la récession, la déferlante migratoire, le déclin démographique, la crise identitaire de l’Occident, la perte de la transmission, la montée d’un islam rétif à notre bonne vieille laïcité ? Est-ce que la République est bonne à autre chose qu’à nourrir des déclarations incantatoires de préau d’école laïque, gratuite et plus ou moins obligatoire ?
Et puis, arrive le moment décisif, l’heure de vérité, le temps béni de la démocratie : la période électorale. Alors, enfin, cessent les doutes pour laisser place à l’irremplaçable évidence : oui, la démocratie est bien cet espace béni où les vraies questions sont abordées à bras le corps par des élus compétents et dévoués, pétris de cette éthique de responsabilité sans laquelle il n’est point de chose publique, le temps privilégié où les vaines querelles s’effacent devant la féconde confrontation des idées, au service exclusif du bien commun.
Cette campagne législative qui vient de s’achever n’a pas failli à la règle, et spécialement cet entre-deux tours si nourrissant pour la philosophie politique. Pendant une semaine entière, en effet, le débat démocratique le plus élevé a empli les moindres gazettes, et l’électeur le plus blasé, le cynique le plus affermi, l’abstentionniste le plus crasse n’auront pas manqué d’être saisis de vertige métaphysique par les trois sujets cruciaux qui ont dominé l’actualité politique : le tweet d’une concubine jalouse, le canular téléphonique d’un amuseur public, une affichette collée sur la porte d’un domicile privé, auront, sept jours durant, nourri toutes les joutes verbales, monopolisé tous les commentaires, retenu l’attention des plus fins analystes.
Le peuple peut continuer à dormir tranquille, la République et ses élus s’occupent bel et bien de son destin, et de quelle éclatante manière…
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