La victoire surprise du Parti conservateur a légèrement occulté le raz-de-marée nationaliste en Ecosse. Ce bastion historique du New Labour a offert 56 sièges sur 59 au Scottish National Party (SNP), privant le Parti travailliste d’autant de voix à Westminster. Un résultat à première vue surprenant, quelques mois seulement après le cruel revers indépendantiste lors du référendum de septembre 2014. Quelle que soit l’importance des questions de personne, le redressement spectaculaire du SNP ne peut s’expliquer uniquement par le retrait de la tête du parti du leader historique Alex Salmond au profit d’une jeune quadra, Nicola Sturgeon.
Il est fort probable que les électeurs écossais de gauche aient souhaité faire payer aux travaillistes leur alliance contre-nature avec le Parti conservateur sur la question de l’indépendance. D’autant plus que cette étrange coalition « Labour-conservatives » a été officieusement reconduite à quelques jours du scrutin lorsque Edward Miliband s’est interdit de s’allier avec les nationalistes écossais au Parlement de Londres. Autrement dit le Labour préférait laisser les libéraux-conservateurs au pouvoir plutôt que de s’allier avec des indépendantistes écossais de gauche. Difficile à avaler pour l’ouvrier des lowlands.
Si on regarde le passé récent, on comprend mieux pourquoi le Labour a refusé l’alliance avec le SNP. Le processus d’autonomisation lancé par Tony Blair était progressivement arrivé à son terme. Évincé du parlement écossais, le « New Labour » ne pouvait franchir l’ultime étape, l’indépendance. Par loyauté pour le Royaume-Uni mais aussi parce que l’indépendance aurait privé le Labour d’une réserve de voix de gauche conséquente aux Communes. Clef du succès blairiste dans les années 90, le piège de la décentralisation à l’extrême s’est retourné contre le Labour. Entre la question identitaire et la doctrine économique, il a fallu choisir. Un accord entre les deux gauches écossaises n’ayant pas d’intérêt pour les deux partis, le suffrage uninominal à un tour s’est chargé de les départager. Pour la première fois jeudi, ce fut au détriment du Labour.
Mais l’alliance historique Glasgow-Bruxelles a également butté sur la question de l’indépendance. Lorsque celle-ci s’est posée à l’automne 2014, José Manuel Barroso s’est détourné de son credo fédéraliste et a menacé l’Ecosse d’un hypothétique et laborieux processus de réadhésion en cas de oui à l’indépendance. Il ne souhaitait pas créer un dangereux précédent au risque d’une implosion des autres Etats-membre de l’UE. Ce qui rendrait le conseil européen encore plus ingouvernable. Bon nombre d’électeurs écossais, pourtant lassés par la domination anglaise, ont donc hésité à franchir le pas de l’indépendance, de peur de couper avec l’Europe.
Difficile aujourd’hui d’imaginer l’Ecosse renégocier son adhésion à l’UE si le Royaume-Uni sort de l’Europe et que l’Ecosse vote majoritairement contre cette sortie.
Les deux référendums ne feraient alors plus qu’un. Si l’Ecosse votait non au Brexit et Londres oui, la logique institutionnelle voudrait que l’Ecosse reste dans l’UE mais se détache du Royaume-Uni. Scénario malgré tout assez improbable puisque ni Bruxelles, ni David Cameron ni même les écossais ne veulent d’un Brexit. Mais les urnes peuvent réserver quelques surprises. N’est-ce pas, Mister Miliband?
*Photo : Scott Heppell/AP/SIPA. AP21732078_000041.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !