Jean-Christophe Cambadélis et Michel Sapin se sont-ils concertés en accusant l’opposition – et en particulier son chef – de céder à la xénophobie parce qu’elle attaque la politique de la ministre de l’Éducation nationale après avoir souvent critiqué celle de la ministre de la Justice ? Ou les petits esprits se rencontrent-ils ?
L’affaire est plus grave qu’il n’y paraît. D’abord parce que si on ne peut plus, au prétexte de leurs origines ou autres particularités, s’opposer aux textes produits par des membres du gouvernement, autant fermer la boutique tout de suite, opposition et presse comprises. Ensuite, parce que l’accusation de xénophobie tombe à plat puisque Mesdames Taubira et Vallaud-Belkacem sont autant françaises que Cambadélis, Sapin, et ma pomme. Fâché avec la langue française, Camba ? Où voulait-il plutôt accuser Nicolas Sarkozy et les autres de racisme, et, trouvant le mot un peu fort et pouvant susciter un incendie politique, il a revu ses accusations à la baisse ? Le premier secrétaire du PS n’est pas à quelques approximations près. L’autre jour, il a tweeté que Hollande et Valls, c’était « le glaive et le bouclier », oubliant (on l’espère !) la référence historique de cette formule, selon laquelle le Général de Gaulle et Philippe Pétain étaient de mèche et se partageaient sciemment les rôles pendant la guerre. Cette théorie, très populaire dans les milieux pétainistes après-guerre, dans la bouche d’un ancien trotsko, ne manquait pas de sel, et lui a valu quelques critiques acerbes dans son camp politique. Une telle citation de la part d’un élu FN, UMP, Front de gauche, ou dans la bouche d’Emmanuel Todd auraient sans doute fait les titres de tous les journaux, mais Camba bénéficie visiblement d’un droit inaliénable à la gaffe.
On pourrait s’arrêter aux propos de ce sérial gaffeur, qui n’est jamais que le successeur d’Harlem Désir (tiens, je vais être accusé de xénophobie, là), mais Michel Sapin, ministre de la République a tenu des propos similaires sur BFM TV. Un membre éminent du gouvernement accuse donc le chef de l’opposition de racisme larvé. C’est à la fois grave et ridicule. Ridicule parce qu’on pourrait aussi qualifier l’action de Michel Sapin de médiocre, au vu de l’inefficacité de sa politique au ministère des Finances. Nous accusera-t-on d’épicéaphilie[1. Contrairement à une idée répandue, l’épicéa est un rival du sapin, et non son synonyme.] exacerbée, méprisant les qualités du sapin argenté, compte tenu de nos origines jurassiennes ? On peut désormais s’attendre à tout.
D’ordinaire, c’est Manuel Valls qui donne le ton, et il démontre à chaque séance de questions au Parlement qu’il n’a plus aucun sang-froid. Son soutien aveugle à la réforme de Najat Vallaud-Belkacem, faisant fi de l’avis de la totalité des intellectuels de gauche à l’exception de François Dubet – qui n’a pas l’aura d’un Debray ou d’un Nora, ce n’est pas lui faire injure – le place dans une situation intenable. Coincé entre une droite qui a compris qu’elle pouvait enfin faire oublier son piètre bilan en matière d’éducation (Vallaud-Belkacem succède dignement à Fillon et Chatel dans la promotion de la médiocratie), et une gauche intellectuelle qui conspue la réforme, le gouvernement use de grosses ficelles pour remobiliser son électorat : Sarkozy n’aime pas Vallaud-Belkacem, donc il est xénophobe ; si vous être contre la réforme de Vallaud-Belkacem, vous êtes aussi xénophobe. Dangereux pour sa propre réforme, dangereux pour le débat démocratique. Valls, Cambadélis et Sapin se comportent en incendiaires. Certains visiteurs du soir s’en émeuvent à l’Elysée. Le Président fait la sourde oreille. Jusqu’à quand ?
*Photo : XAVIER VILA/SIPA. 00712013_000021.
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