Ça se veut mordant et acerbe mais ça fait un grand flop. Les interventions du Premier secrétaire du Parti socialiste sont si accablantes de bêtise que chaque socialiste, en son for intérieur, doit espérer qu’elles ne soient relayées par aucun média. Car les sorties de Jean Christophe Cambadélis n’ont en général qu’un seul effet : renforcer le Front national.
On imagine bien le malaise du Parti socialiste depuis lundi. Sur les ondes de RTL, le patron de Solférino se lançait dans une diatribe contre le Front national en affirmant que « si le Front national arrivait au pouvoir, il appliquerait son programme (…) c’est-à-dire qu’il raccompagnerait à la frontière 4 millions de Français musulmans ». En parcourant le programme du Front national aux élections présidentielles de 2012, on peine pourtant à trouver une quelconque proposition ressemblant de près ou de loin à l’éloignement de citoyens français de confession musulmane. Tout au plus, on peut lire que le Front national prône la « priorité nationale » dans des secteurs tels que le logement social où « à situation égale, le logement sera d’abord proposé aux personnes ayant la nationalité française ». Autrement dit, si le Front national appliquait son programme, non seulement il n’expulserait pas les Français musulmans mais il les favorisait en leur appliquant ce principe. Ainsi, entre un Chinois, un Norvégien et un Français, le Front national affirme qu’il privilégierait toujours le Français, fut-il de confession musulmane.
Non content d’avoir asséné une telle ineptie, Cambadélis ajoutait qu’en cas de victoire du Front national « on ferait la chasse à tout ce qui est maghrébin, comme on le fait à Mantes-la-Ville en ce moment ». On imagine alors la terreur à Mantes-la-Ville : des femmes maghrébines violées en série par des blancs, des barbues exécutés sommairement, des Arabes lynchés en plein jour et même des pogromes antimusulmans. On est ahuri quand on comprend l’allusion de Cambadélis à la préemption par le maire de Mantes-la-Ville d’un terrain qu’une association musulmane souhaitait acheter pour y bâtir une mosquée. Une simple préemption, prévue par la loi, comparée à une chasse à « tout ce qui est maghrébin ». Faut-il rappeler à Cambadélis qu’un maire, en charge de l’urbanisme, est compétent pour aménager sa commune, y compris en refusant la construction d’un lieu de culte si l’endroit choisi ne lui parait pas adapté ?
Il faut dire que dans l’art de l’exagération, Cambadélis est passé maître incontesté depuis qu’il a comparé, cet été, l’exclusion de Jean-Marie Le Pen à une « tentative d’assassinat ». Les nostalgiques de la police politique, amateurs d’exécutions sommaires, ont probablement déchanté en apprenant que la « terrifiante » tentative d’assassinat dénoncée par Cambadélis n’était qu’une simple lettre recommandée adressée à Jean Marie Le Pen. Décidément, les traditions se perdent et Cambadélis le déplore. Pourtant, toute personne sensée devrait se réjouir de l’éloignement de Jean-Marie Le Pen dont l’antisémitisme compulsif et obsessionnel n’était pas de nature à élever le débat.
Au lieu de se perdre en conjectures sur ce que ferait ou ne ferait pas le Front national s’il arrivait au pouvoir, le Parti socialiste, Cambadélis en tête, devrait faire des propositions, surtout quand on connaît les talents de prévisionniste des socialistes. Le dernier à s’être prêté à ce jeu en paie encore les frais : les Français attendent toujours l’inversion de la courbe du chômage prédite par François Hollande dès 2012.
Les prévisions fantasmagoriques ne font pas avancer le débat. Elles discréditent le Parti socialiste dont on peine à comprendre le projet politique. Le vice-président du Front national l’a bien compris en twittant ce message cruel à l’attention de Cambadélis : « Quand on est nul et complétement dépassé par la situation, on dit n’importe quoi et on ment. »
En politique, on n’a pas que des amis, et les attaques, parfois personnelles, font partie du jeu. Mais avec des ennemis comme Cambadélis, le Front national peut bien se passer d’amis. Si Cambadélis avait voulu aider le Front national, il ne s’y serait sans doute pas pris autrement.
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