De tous les Premiers ministres qu’a comptés la France, Jean-Pierre Raffarin fut assurément celui qui s’illustra le moins par la subtilité. On le sait : sa brutalité lui valut très vite de se tailler une réputation exécrable dans le monde entier. Même les Iraniens – peu regardants d’habitude sur les hommes d’Etat mal dégrossis – le qualifièrent de « Raf’ sans génie ».
Mais c’est bien en France que l’Attila de Poitiers commit ses pires méfaits, laissant à Dominique de Villepin le soin de terroriser de son magnifique verbe le reste du monde. C’est ainsi que l’on vit Raffarin le Sanguinaire priver des millions de Français de leur sacro-saint lundi de Pentecôte, ce jour béni entre tous qui servait, depuis la nuit des temps, à digérer la pièce montée et le mauvais vin ingurgité la veille à la communion du petit dernier.
En supprimant cette journée, le Beria de chez Jacques Vabre précipita le déclin de la France : comment des millions de travailleurs exténués par 35 horribles heures de travail harassant pouvaient-ils continuer à être productifs ? Toute la semaine, du lundi matin au jeudi après-midi, quand le Français descend à la mine ou conduit sa locomotive à vapeur, c’est au lundi de Pentecôte qu’il pense encore.
Il semblerait que le nouveau régime ait décidé d’aller plus loin dans l’ignominie. Sous son air polissé[1. Qu’il est agréable de savoir qu’aucun correcteur pasquaïen ne viendra sournoisement écrire « policé » derrière mon dos !], François Fillon a habilement manœuvré pour qu’un deuxième jour férié soit supprimé en France : dans le secret de l’Hôtel Matignon, enfermé avec quelques obscurs conseillers, il a décidé qu’en 2008 le Jeudi de l’Ascension se déroulerait le 1er Mai ! En fusionnant ces deux jours fériés, le Premier ministre oblige les Français à travailler une journée de plus dans l’année !
S’il venait à l’esprit de notre chancelière de manigancer une telle chose, l’ensemble des syndicats et des partis politiques allemands (des néo-communistes de l’Est jusqu’à la bavaroise et très catholique CSU) se mobiliserait pour parler d’une seule voix.
Le moment venu, il est fort à parier qu’il y aura bien, en France, quelques protestations de circonstance. Le patron de la CGT, Bernard Thibaut, se fendra certainement d’un communiqué s’indignant de voir une fête catholique mêlée à la fête du Travail : « On ne mélange pas les curetons avec les Soviets ! » Quant à la Conférence épiscopale française, elle publiera un communiqué expliquant que le Christ était le premier communiste de l’histoire – les évêques saisissant au vol une irremplaçable occasion de faire repentance pour des crimes qu’ils n’ont pas commis, nec plus ultra de l’autoflagellation.
Mais tous ces atermoiements ne serviront à rien. Quand on songe que le Nouvel An 2009 tombera en France un vendredi 13, on est vraiment en droit de se poser la question : le gouvernement français n’aurait-il pas dû supprimer purement et simplement les 35 heures, plutôt que de se lancer dans autant de circonvolutions ?
Traduit de l’allemand par l’auteur.
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