Les centaines d’immigrés clandestins qui embarquent chaque jour sur des radeaux de fortune pour la Grande-Bretagne n’offrent pas seulement le spectacle du désespoir. C’est aussi celui de l’impuissance des forces de l’ordre, de la compétition entre ONG, du business lucratif des passeurs, et d’un État français qui dépense des milliards sans juguler quoi que ce soit. Reportage dans les dunes de la Côte d’Opale.
Ils étaient 600 en 2018, un peu moins de 10 000 l’an dernier, certainement le double cette année. La France entière le découvre en images, les migrants de Calais tentent désormais d’atteindre la Grande-Bretagne par la mer, sur des bateaux pneumatiques, voire des kayaks gonflables. La formule semble avoir été lancée par des Iraniens et des Albanais, il y a quatre ans. Son succès ne se dément pas. L’objectif n’est pas de traverser la Manche, large de 33 km à son point le plus étroit, au niveau du cap Gris-Nez. Il s’agit simplement d’atteindre les eaux britanniques, afin d’être pris en charge par des navires qui auront l’obligation de débarquer les « naufragés » en Grande-Bretagne, conformément au droit maritime international. Les migrants savent qu’ils sont arrivés lorsque leur téléphone portable accroche un réseau anglais. Un coup de fil et le tour est joué.
Encore faut-il y arriver. Le mercredi 24 novembre, 33 migrants, peut-être davantage, ont échoué. Ils se sont noyés, dans des circonstances qui restaient à déterminer au moment où nous mettions sous presse. Ex-leader du Parti travailliste, le député Jeremy Corbyn a réagi le soir-même, en appelant « les gouvernements à cesser le traitement inhumain des réfugiés et des migrants ». « Plus de 20 morts au large de Calais. Voilà le résultat de la politique de fermeté de Darmanin. Honte sur nous », twittait de son côté Karima Delli tête de liste EELV de la gauche unie aux régionales de 2021 dans les Hauts-de-France. En réalité, et Jeremy Corbyn comme Karima Delli le savent, le gouvernement français se donne beaucoup de mal pour empêcher les migrants de prendre la mer.
A lire aussi : Crise migratoire: “Les ONG font miroiter à des migrants malheureux un eldorado qui n’existe pas”
Satanés passeurs
Pour la seule nuit du vendredi 19 au samedi 20 novembre, 106 migrants ont été secourus dans les environs de Calais. Un nombre indéterminé a peut-être réussi à passer. Les forces de l’ordre, par ailleurs, ont bloqué beaucoup de tentatives. À 6 h 30 du matin, samedi, une quarantaine descendaient en silence l’avenue François-Mitterrand, à Wimereux, sans autre bagage qu’un sac-poubelle censé protéger de l’humidité leur minimum vital, argent et téléphone portable.
