Quand une affaire est simple, il est de l’intérêt de ceux que cette simplicité pourrait gêner de la rendre compliquée pour brouiller les repères et semer le doute dans l’opinion. Tel est, dans ses derniers développements, l’état des lieux dans l’affaire qui oppose Jérôme Cahuzac, ministre du budget, à ses accusateurs de Médiapart.
Dimanche 10 janvier, le Journal du dimanche affirme que la banque suisse UBS a répondu à une requête du ministère français des finances informant ce dernier que Jérôme Cahuzac n’a pas été titulaire d’un compte dans son établissement entre 2006 et 2010, ni à titre personnel, ni comme bénéficiaire d’un compte de société. Ces affirmations s’appuient sur les déclarations d’un proche du ministre des finances Pierre Moscovici, vers qui Jérôme Cahuzac a « déporté » la gestion du dossier pour d’évidentes raisons de déontologie.
Réponse de Médiapart, sous la plume de son rédacteur en chef François Bonnet. Le site plénélien « maintient l’intégralité des informations jusqu’alors publiées. Oui, M. Cahuzac a eu un compte caché à l’UBS Genève, comme il en atteste lui-même dans un enregistrement que nous avons mis en ligne. Ce compte a été fermé lors d’un déplacement de M. Cahuzac à Genève début 2010 et tout ou partie des avoirs transférés à Singapour ».
La situation est donc d’une limpide clarté : le ministre affirme que la lettre des Helvètes le met totalement hors de cause et réduit à néant les accusations de Médiapart, qui persiste et signe : Cahuzac a commis des actes déshonorants pour un ministre chargé de faire respecter les lois fiscales de la République. L’argumentaire développé par Médiapart pour défendre sa position consiste à jeter la suspicion sur ceux qui n’ont pas le bon goût de se ranger à ses côtés. Le JDD ? Un instrument au service du communiquant Stéphane Fouks, dont une des collaboratrices aurait été mise au service de Cahuzac. Le journaliste Laurent Valdiguié, auteur de l’article ? Un type pas net. La preuve ? Il s’est trouvé un jour, rentrant de Libye dans le même avion que Ziad Takieddine, qui s’est fait coincer par les gabelous avec 1,5 millions d’euros en argent liquide. Cela me fait penser au jour où mon voisin dans le TGV s’est fait passer les menottes par une brigade volante des stups’, leur chien ayant détecté une dose non négligeable de coke dans son bagage à main. Heureusement que cet incident n’a pas été porté à la connaissance des amis d’Edwy Plenel, qui n’auraient pas manqué de le mettre en regard des papiers peu aimables que je leur consacre de temps à autres.
Le comble de l’hypocrisie est atteint lorsque Bonnet reproche au JDD de ne rien révéler du verbatim de la lettre suisse. Nul n’ignore qu’une enquête préliminaire, réclamée à cors et à cris par Médiapart, a été ouverte par le Parquet de Paris à l’encontre d’un Jérôme Cahuzac officiellement soupçonné de « blanchiment de fraude fiscale ». Que n’aurait-on dit si le contenu de cette lettre avait été rendu public avant sa transmission à la justice ? Alors pourquoi, objectera-t-on, passer par des fuites anonymes dans la presse pour se défendre contre la calomnie ? Tout simplement parce que le temps de la justice n’est pas le temps de la politique. Médiapart peut continuer à distiller ses accusations, à feuilletonner sur une histoire bien vendeuse pour booster son audience. Si le moment de rendre des comptes arrive un jour, c’est pas demain la veille, étant donné les délais habituels de la XVIIème chambre du TGI de Paris, spécialisée dans les affaires de presse. Pendant ce temps-là, la crédibilité du ministre en prend un coup, et il arrive un moment où les dégâts sont irréparables.
Si le ministre a menti, il est politiquement et socialement mort. Si Médiapart s’est fourvoyé, il fera le gros dos quelque temps, et survivra très vraisemblablement, comme son fondateur a survécu à une crapulerie journalistique panaméenne. C’est une guerre asymétrique où le fort ne se trouve pas du côté du pouvoir politique, mais où tous les coups tordus sont permis.
*Photo : Place au Peuple.
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