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CADA exquis du Berry 

Bélâbre, la guerre du CADA


CADA exquis du Berry 
Campagne contre l'installation d'un CADA, à Béziers, le 12 octobre 2016. © Franck LODI/SIPA

Bélâbre, une petite commune du Berry où s’affrontent partisans et adversaires d’un centre pour demandeurs d’asile. Nous avions pu assister à une manifestation opposant les deux cortèges début mai. Le député du coin vient de laisser entendre que le projet pourrait être modifié. Retour sur une guerre des boutons villageoise. 


Sur son site, la municipalité de Bélâbre vante « le charme discret du Berry ». Discret, puisqu’avec 940 habitants perdus au cœur de l’Indre et Loire, le village n’a rien pour attirer le chaland ou le visiteur. Depuis un an, un projet municipal vise pourtant à y installer l’étranger. Le 9 février 2023, le conseil municipal vote une motion favorable à l’ouverture d’un CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) répondant à un projet de l’association Viltaïs. La structure permettrait d’accueillir en permanence 38 demandeurs d’asile, lesquels resteraient sur place pour le délai qu’exige le traitement de leur demande. A cet effet, les locaux d’une ancienne chemiserie, coincés dans une impasse et appartenant à la mairie ont été vendus à l’association.  

Qu’en pensent les administrés bélabrais ? Au bar du coin où nous entrons, on feint l’ignorance : « Il y a cette affaire oui. On préfère parler du soleil et des loisirs de l’été » nous assure un habitué accoudé au comptoir. Droit de réserve commerçant du côté de la tenancière qui « n’a pas le droit de donner son avis ». Samedi 11 mai, il était difficile pourtant d’ignorer les six camions de gendarmerie qui bloquent l’artère principale de la ville ou les deux manifestations, une pro CADA et une anti, avec des effectifs plutôt garnis pour un si petit village. Côté contre, 200 personnes réunies par l’Union Bélabraise avec un cortège essentiellement composé de retraités du petit commerce ou de la paysannerie, de quelques anciens combattants en uniforme et de nombreux jeunes actifs. Côté pour, ils sont 150 réunis aux abords de la mairie pour manifester leur soutien au CADA. Nombreux dans le groupe se disent enseignants, souvent retraités ou militants associatifs. Un trentenaire parisien, ingénieur son pour la télévision, qui réside « souvent dans la région en week end » a fait cinquante kilomètres pour manifester à l’initiative du maire « un soutien moral ». Fonctionnaires ménopausées et bobos d’un côté ; badauds et enfants du pays de l’autre. Nez rouges contre vierges rouges.

Méthode autoritaire et crainte sécuritaire 

Ce n’était pas la première fois que partisans et adversaires ont pu s’affronter ou échanger des noms d’oiseaux. Depuis février 2023, les opposants ont manifesté sept fois contre ledit projet et se sont organisés dans un collectif, l’Union Bélabraise. Initialement, l’association dénonçait les méthodes du maire, jugées autoritaires. Ludivine Fassiaux, présidente de l’association, parle d’« un déni de démocratie locale ». Elle dit avoir appris initialement la décision par voie de presse. Le collectif avait aussi proposé un référendum municipal ; Mme Fassiaux assure qu’elle « se serait inclinée devant la volonté de la majorité ». Alors qu’une nouvelle manifestation est prévue le samedi 11 mai, le meurtre de Mathis à Châteauroux, 50km de Bélabre, par un mineur afghan est dans tous les esprits : « Ce ne sont pas forcément de mauvais gens mais il n’en suffit que d’un seul… » La présidente affiche désormais des craintes sécuritaires : « Le CADA est mal positionné. Ce sont des chambres de 7m2 pour des familles. Et puis qu’est-ce qu’ils vont faire ici ? » Alors on redoute de voir des migrants désœuvrés zoner le soir : « On regarde ce qui se passe en France… Voyez Nantes. Voyez Châteauroux ». 

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Insensible aux critiques, le maire, Laurent Laroche, défend avec énergie son projet : « Les CADA n’ont rien à voir avec le terrible drame de Châteauroux ». Quid des craintes d’une partie de la population ? « Elles sont entretenues par l’extrême droite… » assure le maire. Dans chaque camp, on a pris l’habitude de se renvoyer le mistigri de la récupération politique, de l’aveuglement idéologique et du renfort de manifestants étrangers au village à chaque manifestation. 

La politique reprend ses droits 

Si le discours du maire se veut consensuel et rassurant, le propos de certains manifestants du 11 mai était plus politique. Au mégaphone, la représentante de la Ligue des Droits de l’Homme dénonce la politique répressive du gouvernement, parle des « frontières murées » de Schengen… Un badaud nous dit vouloir fonder un collectif contre l’extrême droite à Bélâbre. Certains parlent même de la présence de militants de la vieille Action française de Charles Maurras. 

De son côté l’Union Belâbraise ne cache pas l’étendard du pays réel dans sa poche. L’avocat médiatique Pierre Gentillet, désormais candidat pour le Rassemblement National dans le département voisin du Cher, et originaire du département, surtout connu des téléspectateurs de Cnews et de Cyril Hanouna, a pris l’habitude de prendre la parole à chaque manifestation. Elle ne s’en cache pas, Ludivine Fassiaux cherche des relais politiques : « Nous avons écrit à François-Xavier Bellamy et Eric Ciotti, sans réponse pour l’instant […] La raison de l’installation des CADA un peu partout, c’est bien la politique migratoire de la France ». Les pouvoirs publics ne semblent pas indifférents à cette initiative. On trouve sur le site de la préfecture d’Indre et Loire un projet de la Croix-Rouge, lequel dresse un état des lieux qui regrette la « faiblesse du taux CADA » : « Le taux de places CADA est le plus faible de la région : 1 place pour 2 350 habitants pour l’Indre-et-Loire, contre une moyenne régionale d’une place pour 1 175 habitants. » 

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Dans chaque camp, on ne cherche en tout cas plus à rassurer ni à s’abriter derrière des problèmes de méthode ou des appels au calme et à la concertation. Au fil des mois, alors que les positions se radicalisaient, le discours est devenu résolument politique. Les méthodes aussi, et pas forcément pour le meilleur. Patricia Fassiaux, qui en plus d’être cofondatrice avec sa fille de l’Union Belâbraise et gérante du Casino, a fait l’objet de pressions : « Le collectif Oui au CADA a envoyé une lettre au Casino pour dire que l’on faisait de la politique avec l’enseigne » assure-t-elle en brandissant pour nous convaincre la copie de la lettre à laquelle elle a pu avoir accès. Des tracts pro et anti sont distribués dans les boites le dimanche. Certains badauds regrettent « une omerta sur le sujet » comme de voir certaines familles du village se déchirer à table sur l’opportunité du projet, à l’heure de la traditionnelle engueulade politique du dimanche midi. 

Opportunisme politique et contexte électoral ? Ainsi que le relate France Bleu Berry, le député sortant Horizons de l’Indre, François Jolivet, en campagne, a laissé entendre que le projet pourrait être modifié  « Je pense que ce projet, pour des raisons sans doute d’ailleurs financières, ne verra pas le jour […] S’il se fait, il se fera à taille moindre à Bélâbre » affirme-t-il, citant une association dans une commune du département qui dispose déjà d’une structure d’accueil accolée à une résidence de retraite. Comme il ne s’agit pour le député que d’une piste de travail, les opposants ne désarment pas. Le 11 mai, devant l’auditoire, la présidente de l’union bélabraise avait prévenu : « Nous on se bat, eux ils perdent ». Dont acte. 



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