Accueil Politique Cachez cette Porsche 911 que je ne saurais voir…

Cachez cette Porsche 911 que je ne saurais voir…


On nous bassine à longueur de journaux télévisés et d’éditos enflammés avec ce fameux modèle allemand. A force de nous rabâcher que notre pays se désindustrialise à la vitesse d’une strip-teaseuse à la dérive, nous avons désormais sur les épaules une pression d’enfer et de sacrés complexes vis-à-vis de nos voisins allemands. En fait, nous nous demandons bien à quoi ressemble ce modèle teuton, quelles recettes miracles appliquent-ils chez eux pour ne pas tomber dans une profonde dépression ? Est-ce encore une manière détournée pour nous dire que nous sommes trop fainéants, trop payés, trop grévistes et de toute façon incompatibles avec la mondialisation qui impose de nouvelles règles de vie ?

C’est-à-dire fermer sa gueule dans les usines (quand elles existent encore) ou dans la rue, par peur d’affoler les agences de notation. Nous avons bien compris que nos PME hexagonales n’étaient pas assez compétitives, qu’elles n’avaient pas la taille critique pour imposer leur leadership européen et que l’innovation était le nerf de la guerre économique. Malgré tout, ces mécanismes demeurent flous dans nos têtes d’éternels assistés. La vérité sur ce modèle allemand si performant a quelque chose d’impalpable, aussi obscure que les niches fiscales et le refinancement des banques. Les leçons de maintien économique dispensées par nos élites depuis les années 80 ont pourtant réussi à nous faire rentrer au burin quelques idées simples et générales. Nous avons fini par admettre que le succès de l’industrie allemande tenait à plusieurs facteurs. D’abord, un tissu de « grosses » PME débordantes d’imagination qui misent sur les nouvelles technologies, une vénération pour le métier d’ingénieur (roi chez eux, précaire chez nous) et surtout les exploits de leur balance commerciale grâce à des exportations florissantes qui font de l’Allemagne le champion des affaires dans le monde. Admettons que cette revue de détail soit séduisante et que nous pourrions y piocher quelques conseils pour « booster » notre économie. Nous ne sommes pas néanmoins naïfs au point de croire que ce modèle soit parfait et applicable à la virgule près chez nous.

Et pour cause, les tensions que connaît l’Allemagne sur son marché du travail avec un regain d’activité des syndicats laissent entrevoir que cette compétitivité allemande s’est faite (ici comme ailleurs) sur le dos des salariés. L’ouvrier allemand qui faisait rêver l’ouvrier français, italien ou espagnol des années 70 est aujourd’hui un lointain souvenir. N’empêche que leur industrie nationale réussit et exporte à tout-va ! Nous sommes-nous déjà intéressés aux produits allemands ? Ce « Made in Germany » qui fait fantasmer les analystes et les boursicoteurs.
Il y en a un qui, depuis 1963, ne connaît pas la crise, aucun signe d’essoufflement à l’horizon. Il s’agit de la Porsche 911, vitrine technologique et culturelle de l’Allemagne. Il s’est d’ailleurs passé un événement majeur au mois de septembre dernier sur le salon de l’automobile de Francfort que les médias dans leur ensemble ont mis sous silence. Ce n’est pas nouveau, depuis vingt ans, les voitures sont ostracisées à la télévision. Elles sont devenues le mal absolu, on les combat avec presque autant de vigueur que les menaces terroristes.

Alors, vous pensez, la présentation officielle d’une nouvelle 911 dont le moteur boxer de six cylindres développe 350 chevaux, qui abat le 0 à 100 km/h en 4,8 secondes et qui affiche crânement une vitesse de pointe de 289 km/h a peu de chance de faire la Une des journaux. Dans notre société qui n’a de ouatée que l’apparence, un tel engin politiquement incorrect est cloué au pilori de la bien-pensance. Pour ceux qui n’auraient jamais eu connaissance du matricule 911, nous pouvons leur rappeler qu’elle est la Porsche par excellence, le jouet absolu des Hommes, le rêve d’une vie et qu’accessoirement elle est la 7ème d’une lignée prestigieuse. Cette voiture de sport a évolué comme le bon vin.

Cette 7ème génération de 911 se plie, comme il se doit, à l’air du temps en matière de consommations réduites et de respect de l’environnement. Plus légère et moins polluante, elle demeure avant tout un concentré de technologie et de plaisir pur. Pour ceux qui auraient raté les épisodes précédents ou qui seraient hermétiques à la magie automobile, la 911 a gagné ses galons de mythe entre les mains expertes de Steve McQueen, Björn Waldegaard ou Paul Morand. Ce n’est pas simplement une voiture avec quatre roues, c’est beaucoup plus, pour les hommes épris de liberté et de dépassement de soi. On peut donc légitimement se demander si le miracle du modèle allemand ne tiendrait pas en partie dans cet objet fantastique qui reste inabordable au commun des mortels. Car cette 911 est l’incarnation du travail tout simplement bien fait qui implique, à la fois, le respect de ses producteurs et de ses consommateurs. Une voiture pensée et construite par des hommes qualifiés, fiers de leur savoir-faire ayant toujours à l’esprit le souci de voir plus vite, plus beau et plus sûr pour satisfaire au mieux leurs clients.

Que l’on produise des voitures à 10 000 ou à 100 000 euros, on peut déjà s’inspirer de cette exigence-là.



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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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