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Ça Pâques ou ça casse…


Les vigilants sont aux aguets. Tapis dans l’ombre, ils tendent leurs oreilles pour capter la moindre phrase chuchotée par Claude Guéant pouvant le conduire en correctionnelle. Ils désignent à la vindicte publique ces néo-réacs qui ont le culot de chanter, avec un certain talent en plus, un air quelque peu différent de leurs rengaines archéo-progressistes.

Ils se réclament de la laïcité, certes, mais dénient à ceux qui ne partagent pas la totalité de leur baluchon idéologique de s’en prévaloir et de la défendre.

Et ils jubilent comme des gamins lorsqu’ils croient avoir pris Nicolas Sarkozy la main dans le sac de l’hypocrisie, du double langage, du deux poids, deux mesures en matière de tolérance envers les religions.
C’est ainsi qu’un éminent journaliste de Médiapart s’est fait un devoir de soulever un lièvre de Pâques[1. Tous mes remerciements au site islamiste aslama qui m’a permis de faire ce lien avec l’article de Mediapart sans avoir à bourse délier] démontrant de manière éclatante que le président de la République chouchoute les juifs traditionnalistes alors qu’il fait les gros yeux aux musulmans pieux.

Ainsi, on aurait cherché, à l’Elysée une combine pour permettre à une demi douzaine de taupins à kippa de passer le concours d’entrée à Centrale-Supélec en dépit du fait que deux épreuves tombaient pendant les fêtes de la Pâque juive (Pessah). Personnellement, je serai instinctivement favorable à ce que les religions s’adaptent aux concours des grandes écoles, et non l’inverse.

D’ailleurs, la plupart des étudiants juifs, même pratiquants, se plient à la règle du jeu en espérant que le Très-Haut leur accordera Sa miséricorde, en prenant en considération le préjudice causé aux mamans des candidats. Celles-ci ne pourront pas aller raconter aux voisines que leur fils ou leur fille vient d’intégrer une école que quand on en sort, les patrons vous agrippent comme des schnorrers, mais pour vous proposer de l’argent.

L’Elysée et les directeurs des écoles concernées ont démenti, et les concours se sont déroulés sans que les mesures envisagées à la demande de l’Union des étudiants juifs de France (confinement des candidats jusqu’à la nuit et passage des épreuves entre 22h et 2h du matin) n’aient été mises en œuvre.

Mais admettons qu’il ait été, à un moment, envisagé dans les ministères concernés un aménagement des concours pour une poignée d’individus pratiquant un judaïsme ultra-orthodoxe. En quoi cela aurait-il été scandaleux ? L’égalité devant les épreuves aurait été, certes, quelque peu mise à mal, mais au détriment de ceux qui demandaient cette dérogation : ils auraient été contraint, après avoir planché jusqu’à deux heures du mat’, de remettre ça le même jour à huit heures.

Chaque année, le ministère de l’Education nationale publie, à l’intention des organisateurs d’examens et concours, une liste de jours non fériés, mais importants dans les rites des principales religions pratiquées en France en dehors du christianisme (Islam, judaïsme, bouddhisme). Il est demandé à ces organisateurs de les prendre en compte lorsqu’ils établissent le calendrier d’épreuves. Cette liste est limitée à trois jours par religion. Ainsi, pour cette année, les autorités religieuses juives avaient proposé Rosh Hachana et Yom Kippour en octobre et Shavouot (Pentecôte) en juin, des périodes où se déroulent la majorité des examens scolaires et universitaires. Mais voilà, manque de chance, cette année, comme en 1997, certains concours de grandes écoles scientifiques tombent en plein Pessah.

Ni l’UEJF, ni le CRIF n’exigeaient un changement de la règle des « trois jours » acceptée par tous. Ils demandaient une mesure exceptionnelle, pour une situation qui ne l’était pas moins, et pour un nombre de cas infimes. Cela n’a rien à voir avec cette revendication, exprimée par le Grand Rabbin de France en 1928 auprès du ministre de l’éducation nationale Edouard Herriot de ne pas placer d’épreuves écrites de l’agrégation le samedi. La réponse du vieux rad-soc fut à la mesure du personnage, grandiose. Non seulement il refusa la requête du Grand Rabbin, mais décréta que ces épreuves devront avoir lieu également le dimanche, une tradition qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours.

Ils s’agissait seulement d’un arrangement raisonnable et discret qui ne lésait personne et ne remettait pas en cause les grands principes de la République. « Dina de mlakhouta dina » (« la loi de l’Etat est la loi ») est un principe que tous les juifs en Diaspora se doivent de respecter, c’est marqué en araméen dans le Talmud babylonien. La discrétion, en la matière n’a rien à voir avec l’opacité entretenue par le pouvoir pour mener je ne sais quelle magouille, ou se faire bien voir d’une communauté religieuse. Tout le monde y aurait trouvé son compte, et la vie aurait continué.



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