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Stellantis: les actionnaires lisent-ils Bourdaloue?


Stellantis: les actionnaires lisent-ils Bourdaloue?
Le patron du groupe automobile Stellantis, Carlos Tavares © Fabio Ferrari/AP/SIPA

C’était écrit, la chronique de Jérôme Leroy


« On veut être riche à quelque prix que ce soit ; on veut être riche sans se prescrire de bornes ; et on veut être riche en peu de temps : trois désirs capables de pervertir des saints, trois sources empoisonnées de toutes les injustices dont le monde est rempli. » Allons bon, quel est cet anticapitaliste acharné ? Un porte-parole de la France insoumise qui continue la lutte malgré son élimination au premier tour alors qu’il vient d’apprendre la rémunération de Carlos Tavares, le patron de Stellantis, qui réclame, pour 2021, 66 millions d’euros ?

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Eh bien non, il s’agit de Louis Bourdaloue, prédicateur jésuite (1632-1706), qui déroula son Sermon sur les richesses en 1680, devant les Grands et Louis XIV. À se demander si celui qu’on a appelé « le roi des prédicateurs et le prédicateur des rois » n’a pas été la lecture des actionnaires de Stellantis qui ont refusé à Carlos Tavares cette rémunération. Notamment Olivier de Guerre, président de la société de gestion PhiTrust, qui a déclaré sur BFM Business : « On s’attend à ce qu’il y ait des licenciements importants en Italie et en France compte tenu que les sites de production sont doublés partout. Il y aura probablement dans les services administratifs aussi beaucoup de licenciements, donc, mécaniquement, on pense que les enjeux de la fusion d’un point de vue social sont tellement importants, notamment en France et en Italie, que ce sont des rémunérations un peu décadentes. »

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On appréciera l’euphémisme final et l’adjectif fortement connoté moralement. Mais il est fait aussi appel à une forme de rationalité économique : de tels revenus sont incompatibles avec la situation réelle de l’entreprise, et l’enrichissement sans frein d’un dirigeant se fait forcément aux dépens de salariés menacés, ce que dit aussi Bourdaloue dans son Sermon : « Mais pourquoi, dit un riche, payant bien ce que j’acquiers, et ne faisant tort à personne n’aurais-je pas droit de m’étendre ? Encore une fois, malheur à vous, malheur parce que vouloir toujours s’étendre, et ne nuire à personne, ce sont communément dans la pratique deux volontés contradictoires. »

Et Bourdaloue d’indiquer comment transformer les richesses en « trésors de justice et de sainteté ». C’est assez simple : « Partagez-les avec les pauvres ! » Message cryptomarxiste ? Il faut toujours se méfier des jésuites, regardez le pape François. À moins qu’il ne s’agisse simplement d’une meilleure répartition entre capital et travail, ce que dit souhaiter Gabriel Attal : « Nous, ce qui nous importe, c’est qu’il y ait un meilleur partage de la valeur dans l’entreprise et c’est dans le programme d’Emmanuel Macron. »

Bourdaloue, finalement, serait macroniste ? On peut de nouveau respirer.


Louis Bourdaloue, Sermons choisis, Classiques Garnier, 2021.

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Mai 2022 - Causeur #101

Article extrait du Magazine Causeur




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