Ni vraiment woke, ni vraiment engagée politiquement, « C ce soir » parvient à diffuser quotidiennement la bonne parole progressiste.
On le sait depuis longtemps, le journal, télévisé ou pas, est la messe de l’homme moderne. Sur France 5, l’office du soir – opportunément intitulé « C ce soir » – a lieu vers 22 h 30. Il est animé, en alternance et à parité de genre, par Camille Diao et Karim Rissouli.
Le plateau réunit quatre, cinq ou six intervenants choisis en fonction du thème traité. Deux chroniqueurs – Laure Adler et Arthur Chevallier – sont également à demeure.
L’émission est presque toujours intéressante, ne serait-ce que parce que chaque intervenant peut s’exprimersans être constamment coupé. Certes, les animateurs ont davantage tendance à interrompre un intervenant dont le propos se situerait plutôt à droite que tel autre plus conforme à la ligne, mais cette intervention se fait en général sans grands éclats.
À lire aussi, Elisabeth Lévy : France Télévisions, l’ami progressiste
Reste que la pièce retombe toujours du bon côté idéologique. Le credo est, dans l’immense majorité des cas, adroitement imposé dans l’intitulé du thème. On recourt à l’artifice malin qui consiste à paraître poser une question. Quelques exemples : « Crise de l’agriculture : la faute à la grande distribution ? »Le point d’interrogation n’est là que pour faire joli, puisque nulle autre cause possible que la grande distribution n’est mentionnée. Ce que l’émission confirme, aucun représentant de celle-ci n’étant présent. Autre exemple : « Gaza, 28 000 morts : sommes-nous indifférents ? »Primo, on prend pour acquis et vérifié le chiffre annoncé par les seules autorités gazaouies. Secundo, l’emploi du concept accusatoire d’indifférence annonce que le débat va s’orienter vers la culpabilisation de tout ce qui ne serait pas une adhésion claire à la cause palestinienne. Plus limpides encore : « Droit du sol : une remise en cause dangereuse ? » ou « Loi immigration, sage décision ? »On voit surgir en grand format le point Godwin, le sujet sur lequel on revient à la moindre ouverture : le RN, l’extrême droite. Le péril des périls. En l’occurrence, la synthèse lumineuse revient à un constitutionnaliste professeur d’université[1]: la décision de censure ne peut être que « sage », puisque ce qui est retoqué serait au programme du RN. La discussion est close. Même tonalité pour : « Manouchian au Panthéon : un symbole qui appartient à tous ? »La réponse à peine voilée est que, oui, il appartient à tous, sauf à qui vous savez.
Les animateurs n’ont même pas à jouer les gardiens du dogme. L’hérésie n’a aucune chance de perturber cette liturgie bien rodée. Ainsi nourri de la bonne parole, le téléspectateur peut aller en paix.
[1] Bastien François [NDLR]