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C’est dans le poche !


C’est dans le poche !

S’il y a bien un milieu déprimant, c’est celui de l’édition de romans. Le contraste est remarquablement faible entre, d’une part, l’énergie déployée de conserve par l’éditeur qui envoie des exemplaires gratuits à peu près à tout le monde et par l’auteur qui enchaîne salons du livre sur salons du livre et, d’autre part, le résultat des ventes. On peut toujours objecter que le chiffre des ventes n’est pas le plus important et que Dieu triera les siens un jour ou l’autre.

Mais si l’édition coule tout à fait, il n’y aura même plus de romans à livrer à la postérité. L’autoédition elle-même ne sera pas une solution, puisqu’elle ne peut concerner que des écrivains déjà un peu connus, comme Nabe.

Edition de poche sacrifiée

Si les lecteurs boudent les romans fraîchement publiés (mis à part évidemment les quelques têtes d’affiche), ils sont unanimes au sujet des collections dites « de poche ». Et il faut reconnaître que celles-ci présentent bien des avantages, et pas seulement leur tarif, par rapport aux éditions classiques : elles sont en général jolies, solides, faciles à lire (ce qui n’est pas un détail s’agissant d’un livre).

Une idée naturelle serait d’inverser l’ordre des publications. Aujourd’hui, l’édition de poche est sacrifiée : elle paraît plusieurs années après, alors que tout le monde a oublié le roman. Malgré ce handicap, elle a l’air de se vendre correctement. On peut supposer que les ventes seraient d’autant plus importantes si les romans sortaient directement en poche.

Quant au format classique, à laquelle les éditeurs semblent tenir comme un vieillard tient à garder ses petites manies, on pourrait la réserver aux romans qui ont bien marché en poche alors qu’aujourd’hui, c’est exactement le contraire. D’autres vieillards, genre « Moi j’achète de vrais livres, scrogneugneu, où va la France, au temps du Général on n’aurait pas vu ça, blablabla… », attendront ce moment pour se procurer l’ouvrage chez leur libraire attitré. Et les grands écrivains finiront de la même manière en Pléiade : cela restera inchangé, on aura toujours le plaisir de lire sur papier bible les classiques.

Mais imaginons un instant que tous les romans sortent d’emblée en Pléiade, à un tarif élevé : ce serait aberrant. C’est pourtant un peu la situation actuelle. Quant à la baisse du prix, elle sera compensée par l’augmentation des ventes. Pour les libraires, cela signifie des cartons de retour moins lourds, des étals plus fournis et moins compassés.
Les auteurs, quant à eux, continueront à ne rien toucher. Ils sont habitués. Au moins leurs romans auront-ils plus de chance d’être lus.
Ce n’est pas une idée neuve : elle a été suggérée en passant, voici une bonne trentaine d’années, par Vladimir Boukovski, auquel cet article est dédié. Finalement, les dissidents soviétiques avaient déjà critiqué l’Ouest en critiquant l’Est.

Post Scriptum d’Elisabeth Lévy. Dans ce très joli roman, cher François Marchand, vous oubliez juste de nous dire où sont les romans et les romanciers capables de nous dire la vérité de l’époque – en poche ou en format vieux con. Mais sans doute est-ce un point de détail.



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François Marchand est écrivain. Il vient de publier <em>Plan social</em> (Cherche-Midi).

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