Les augmentations d’impôts exceptionnelles pour rétablir les comptes publics, proposées par Michel Barnier, non accompagnées de propositions de réformes structurelles, sont déjà critiquées.
« Notre objectif est de revenir sous le plafond de 3% du PIB pour le déficit public en 2029 », a déclaré Michel Barnier lors de son discours face à une Assemblée nationale indisciplinée où les députés insoumis se sont encore une fois comportés en élèves perturbateurs de fond de classe. L’engagement pris par la France de ramener son déficit à 3% en 2027 ne sera évidemment donc pas tenu… Reste la grande question qui va déterminer l’avenir économique de la France et des contribuables lors des trois prochaines années : va-t-on réduire les dépenses ou augmenter les impôts ? Michel Barnier, s’il n’a pas encore précisé quelles dépenses il comptait couper et quels impôts il comptait créer, a néanmoins commencé à esquisser les grandes lignes de sa politique économique.
Un lourd héritage
La petite joute verbale entre le Premier ministre et son prédécesseur Gabriel Attal, actuellement président du groupe Ensemble Renaissance, était assez amusante pour l’observateur extérieur. Ainsi, Gabriel Attal a lancé à Michel Barnier que « notre pays ne se remettrait pas d’un choc fiscal similaire à celui qui a été imposé au pays il y a dix ans ». Même son de cloche du côté de Gérald Darmanin, éconduit lors de ce remaniement ministériel. Ont-ils oublié qu’ils ont été aux affaires durant les sept dernières années ? Oh ! les trajectoires budgétaires dramatiques que nous observons actuellement étaient déjà en place bien avant, mais la situation s’est considérablement dégradée avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron.
Ce n’est pas entièrement sa faute, puisque le président a dû faire face à des crises majeures telles que les gilets jaunes, la pandémie de Covid ou encore l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais il a bien succombé aux sirènes du démagogique argent magique et n’a pas réduit les dépenses par peur de devenir impopulaire. Il aura eu l’aggravation du déséquilibre budgétaire, lequel a conduit la Commission européenne à lancer une procédure pour « dette excessive » contre la France, et l’impopularité quand même…
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Michel Barnier devra donc composer avec un lourd héritage. Le constat est même terrifiant sur tous les items essentiels. L’institut économique Molinari estime notamment qu’au quatrième trimestre 2024, la dette cumulée par Emmanuel Macron atteindra les 1000 milliards d’euros. Pour donner une idée de la folie douce qui s’est emparée du pays, la dette de la France était de 1730 milliards en 2011 et de 2217 milliards en 2017 à la fin du quinquennat Hollande… pour atteindre aujourd’hui le niveau surréaliste de 3228 milliards ! Encore plus inquiétant, notre dette est en grande partie détenue par des capitaux étrangers et non souverains, contrairement à la dette japonaise par exemple. Cela ne va pas sans conséquences. La France fait peur aux marchés, ce qui défavorise directement les ménages français. Le spread avec l’Allemagne se creuse, provoquant un rendement des obligations françaises de plus en plus faibles, et les taux d’intérêts montent dans des proportions dramatiques. Songez donc que le taux d’intérêt sur les obligations françaises à cinq ans est aujourd’hui supérieur à celui de la Grèce… Prenant acte de cet environnement macroéconomique périlleux, Standard and Poor’s dégradait la note de la France à AA- au printemps. Comment enrayer cette spirale sans provoquer un raz-de-marée social dans une rue chauffée à blanc par l’extrême gauche et sans étouffer les Français d’impôts qu’ils ne peuvent tout simplement plus payer ? C’est la tâche difficile qui incombe aujourd’hui à Michel Barnier avec la présentation du budget.
Les Français ne peuvent pas payer plus d’impôts
La France est le pays le plus taxé au monde. C’est le grand impensé français. Nous payons pour tout et constamment. Nous sommes les plus gros contributeurs européens pour une qualité de vie constamment dégradée et des services publics parfois rendus inefficaces. Ce n’est pas soutenable. Ces contributions financent d’ailleurs directement le système de retraites par répartition, épée de Damoclès pesant sur les actifs et les jeunes. Il faut en finir. Dans une excellente tribune publiée dans Libération, l’économiste Antoine Lévy explique que le levier de l’impôt ne sera pas du tout suffisant pour équilibrer les comptes publics : « (…) la France a d’ores et déjà poussé à un niveau inégalé dans le monde l’imposition des revenus du capital comme du travail, testant les contours de la courbe de Laffer, et parfois dépassant allègrement son sommet ».
Il ajoute que « loin d’être le mythe néolibéral que l’on dénonce parfois, cette courbe ne fait que décrire mathématiquement un phénomène assez banal. (…) Autrement dit, nos taux d’imposition ont atteint un tel niveau que les augmenter davantage n’a plus qu’un impact insignifiant, voire négatif, sur les recettes fiscales. Si « taxer les riches » constitue une mélodie réjouissante pour des manifestants en quête de boucs émissaires, force est donc de constater que le compte n’y est plus ». Pour l’heure, Michel Barnier n’envisage de taxer que les plus grosses entreprises à l’aide d’une taxe se voulant « exceptionnelle » et une taxe pour les Français « les plus riches » qui bénéficient de « stratégies de défiscalisation avantageuses ». Soit. Mais ces deux taxes nouvelles ne sauraient à elles seules rapporter les milliards manquants à l’État, quand bien même seraient-elles ponctuellement mises en œuvre pour parer à l’urgence.
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Il faudra aussi couper dans les dépenses. Les pistes ne manquent pas. Il suffit de lire les différents rapports de la Cour des Comptes, certains sont d’ailleurs tellement gênants que Pierre Moscovici ose à peine les mentionner. Les collectivités locales ont ainsi grandement dérapé ces dernières années, la célèbre antienne voulant qu’il faille « dégraisser le mammouth » de la fonction publique n’ayant d’ailleurs jamais semblé aussi juste. Comme en d’autres matières, notamment la question migratoire et sécuritaire, il est temps de remettre de l’ordre. Ne vous penchez d’ailleurs pas de trop près sur l’argent gaspillé chaque année en France, vous en feriez des cauchemars après avoir rempli votre déclaration de revenus. L’objectif est clair : ne pas augmenter une fiscalité qui pourrait nous rendre encore moins compétitifs que nous ne le sommes déjà – et même la diminuer – tout en réduisant la dette. La solution l’est tout autant : réduire le train de vie de l’État en simplifiant notre administration et en supprimant toutes les dépenses non nécessaires. Nous avons besoin d’un électrochoc avant qu’il ne soit trop tard.
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