Depuis plusieurs mois, la Suède est la cible de menaces émanant d’organisations terroristes islamistes (Al-Qaida et Hezbollah, notamment). Deux de ses ressortissants ont été tués hier soir, à Bruxelles. Depuis la capitale de notre voisin belge, cette correspondance revient sur la traque nocturne abracadabrantesque du terroriste sans papiers à la doudoune orange.
Les rues de Bruxelles ont retenti cette nuit de sirènes d’alarme. La police recherchait l’auteur d’une fusillade qui a tué deux ressortissants suédois. Le responsable de cette tuerie, Abdesalem Lassoued, visait précisément les compatriotes de Fifi Brindacier qui étaient nombreux dans la capitale belge. En effet, il devait s’y dérouler un match éliminatoire pour l’Euro 2024, opposant la Belgique à la Suède. Vu l’attentat, le match a été stoppé à la mi-temps et les supporters suédois ont été priés de rester à l’abri, à l’intérieur du stade Roi Baudouin, qui fut ensuite évacué sous protection. Le score était alors de 1 à 1, mais cela n’a guère d’importance pour la suite des événements.
Les fous d’Allah, ça court les rues
Fidèle à sa réputation de surréalisme, la Belgique devint alors le cadre d’une étrange chasse à l’homme. Le terroriste qui avait abattu deux personnes au son de plus en plus répandu de « Allah Akbar », s’était enfui sur un scooter, bien plus aisé pour circuler dans Bruxelles qu’une voiture quasi condamnée à l’immobilité. Il avait revêtu une doudoune orange vif des plus seyantes mais peu adaptée pour une traque. C’est ainsi qu’il fut repéré par de nombreux Bruxellois qui le filmèrent et postèrent leurs vidéos sur les réseaux sociaux quasiment en temps réel. On le voit même s’arrêter, toujours vêtu de sa pimpante doudoune, et recharger ses armes sur le trottoir. Ce fut le feuilleton de la nuit jusqu’au matin où la police le neutralisa. Il est depuis décédé de ses blessures, et plus personne n’ignore que ce Tunisien de 45 ans avait été débouté en 2020 de sa demande d’asile formulée en 2019 et vivait, ainsi que sa petite famille, sous le coup d’un OQT (Ordre de Quitter le Territoire) qui ne semblait guère le préoccuper, et s’adonnait au trafic d’êtres humains pour boucler ses fins de mois. En bon musulman, il respectait les prescrits coraniques, avec une tendresse particulière pour la sourate 8, verset 12 qui entend dézinguer les mécréants.
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Pourquoi des Suédois ?
Mais dézinguer les mécréants, ça fait du monde et on ne peut pas être partout.
C’est pourquoi Abdesalem Lassoued avait sélectionné les Suédois. Pourquoi les Suédois ? La Suède n’a aucun passé colonial, alors que c’est souvent ce passé colonial qui sert d’excuse pour butter des Belges, des Français ou des Britanniques. Sans compter que la Suède se montre des plus accommodantes avec ses invités du désert. Alors quid ?
Pour comprendre le fin mot de l’histoire, il faut remonter à septembre 2020. Un jeune Suédois de 27 ans avait enregistré et diffusé une vidéo dans laquelle il montrait un coran et du bacon rôtissant sur un barbecue devant la cathédrale de Linköping. Il a été condamné jeudi 12, soit 3 jours avant le match et la tuerie, à une peine de prison avec sursis pour incitation à la haine. D’autres autodafés du coran avaient depuis eu lieu en Suède, notamment à l’initiative de Salwan Momika, un réfugié irakien (relire ici notre portrait NDLR).
Le vivre-ensemble, c’est beau dans les livres
Cette haine de l’islam avait provoqué l’ire d’Erdogan, arbitre moyen-oriental de l’OTAN, qui harcèle la Suède afin qu’elle mette un terme à ces profanations. La critique, même potache, des religions n’est en effet pas la vertu cardinale des membres de l’Oumma, et ce n’est pas Charlie Hebdo qui dira le contraire !
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Certes, les livres constituent un combustible de faible efficacité, mais faut-il pour autant en condamner l’usage ? Bien sûr que non. Du moins pas dans la civilisation judéo-chrétienne, largement sécularisée de surcroît, où la sacralité s’attache au spirituel et non au temporel, à l’esprit et non aux choses. On peut brûler le coran, les bouquins d’Annie Ernaux, les dictionnaires franco-suédois, les traités de physique d’Einstein, l’intégrale de Shakespeare ou ma dernière BD en vente dans toutes les bonnes librairies. Ce qui est sacré chez nous, ce ne sont pas les bouquins ou les grigris, c’est la vie humaine. Celle de supporters de foot, de simples passants, d’hommes et de femmes innocents qui ne demandaient qu’à vivre. Les bouquins, on s’en fout, ça fait plus de quatre siècles qu’on a inventé l’imprimerie, nos bibliothèques en regorgent, on ne sait plus où les mettre.
Dans le choc des civilisations qui se joue chaque jour sous nos yeux et chaque jour un peu plus violemment, le rapport au sacré est un élément fondamental et le « vivre-ensemble » tant prôné par les ravis de la crèche ne pourra s’épanouir que si les nouveaux venus sur notre sol en acceptent notre définition. Sinon, ce ne sont pas les théocraties qui manquent sur la planète.