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Émeutes à Bruxelles : sortons du déni!

Sur les émeutes de la Place de la monnaie


Émeutes à Bruxelles : sortons du déni!
Bruxelles, émeutes place de la Monnaie, novembre 2017. Sipa. Numéro de reportage : 00832250_000001 .

Des violences ont émaillé la Place de la Monnaie à Bruxelles mercredi 15 novembre avec 32 arrestations alors qu’on annonce plus de cent arrestations à venir (mais aucune à ce jour concrètement) pour les émeutiers qui, autour de la Bourse de Bruxelles, samedi 11 novembre, ont blessé une vingtaine de policiers, brisé et pillé moult commerces, affolé les pompiers eux-mêmes qui ont dû abandonner en catastrophe leur autopompe.


Les hommes du feu comme cibles sont monnaie courante dans les cités françaises, dans ces fameux « territoires perdus de la République » décrits par le menu par Georges Bensoussan dans lesquels la police et les ambulances n’entrent plus guère…
Bruxelles fait mine de découvrir aujourd’hui le phénomène de bandes de jeunes hystérisés qui ne respectent plus rien, pas même ceux qui viennent en aide aux blessés.

Une infime minorité agissante

Ces événements dramatiques et inexcusables à Bruxelles ne sont pas isolés mais récurrents : rixes à Anvers récemment entre Kurdes et Turcs, émeutes à Hofstade, train pris d’assaut à Ottignies, combats de rue à Molenbeek (en septembre 2009 déjà), etc.
Dans le cas qui nous occupe, trois précisions sont indispensables au risque de se condamner à ne rien comprendre :
1/Les événements de samedi se sont passés autour de la victoire du l’équipe de foot du Maroc. Donc, vraisemblablement et au visionnage des vidéos sur Youtube (je n’y étais pas), ce sont pour l’essentiel des jeunes d’origine marocaine. Même si Theo Francken, le secrétaire d’Etat à l’immigration et à l’asile, a (imprudemment ?) affirmé que beaucoup d’agitateurs d’origine étrangère s’étaient mêlés aux supporters.
2/Non, l’ensemble de la composante marocaine de Bruxelles n’est pas responsable (ils étaient 300 casseurs, violents, soit 0,1% de cette dernière).
3/Non, ce n’est pas la violence policière qui a provoqué les violences ou le « racisme » des pompiers qui est en cause. Ces deux corporations font partie des victimes.
Pour ces 300 jeunes hooligans, il n’est même pas question d’intégration mais de désintégration, qu’ils soient belges ou arrivés récents, le raisonnement est le même.
Comment en est-on arrivé là ? Comment, à côté d’une classe moyenne arabe bruxelloise sécularisée et parfaitement intégrée, peut-on avoir une frange minoritaire mais agissante et substantielle qui n’a, manifestement pas trouvé sa place dans notre société ?

Questionner l’immigration: un tabou

Déjà en 2009, lors des émeutes de Molenbeek, Karim Amezian de l’ASBL Repères, expliquait dans La Dernière Heure : « Cela fait cinq mois que l’on dit que des émeutes se préparent. Les jeunes sont en manque de repères et ne sont pas construits. Ils n’ont pas d’identité forte, ne sachant pas s’ils sont Marocains ou Belges. Ils ne perçoivent pas cette différence comme une richesse. Mais la majorité de ces jeunes s’occupent néanmoins, et seule une minorité ont la haine contre ce système dans lequel ils ne se reconnaissent pas. »
Sans doute une certaine gauche s’est-elle trop longtemps aveuglée devant les immigrés considérés comme les nouveaux opprimés, remplaçant le juif supplicié dans l’inconscient européen. Poser les bonnes questions reléguait ceux qui s’interrogeaient dans la sphère de l’extrême droite et du populisme (sans que jamais on ne donne une définition claire de ces mots-valises). Questionner l’immigration revenait à « donner des armes à l’extrême droite » et s’interdire de voire les périls qui montaient. On se souvient de la levée de bouclier contre le ministre libéral Daniel Ducarme et son « L’intégration est un échec. »

Bruxelles, capitale de l’aveuglement

Les autorités bruxelloises, plus occupées à immobiliser les agents économiques derrière une politique pseudo-écologique (des zones 30 km/h dans toute la Région !), constituent la quintessence de cet aveuglement. Ne pas désespérez Molenbeek plutôt qu’affronter les problèmes, tel fut le credo. Ne parlons même pas d’électoralisme, les partis politiques (Parti socialiste, centre démocratique humaniste, les Ecologistes mais aussi le Mouvement réformateur) se partageant, dans la capitale, un marché électoral bruxellois, autrefois ouvrier et bourgeois, aujourd’hui composé d’immigrés.
Est-ce l’islamisme qui, comme le postule Olivier Roy, a aggravé les radicalités et non pas l’inverse ? Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas l’islamophobie qui crée ces dérives mais l’ensemble de ces estompements qui rendent la dimension musulmane haïssable, au détriment de musulmans honnêtes et inoffensifs qui, eux, ne passent pas au JT. Nous en connaissons tous beaucoup et sommes atterrés par cette « mauvaise publicité ». Mais que faire ?

La droite flamande triompherait… en Wallonie

« Tous les magasins n’ont pas été attaqués. Ce qui donne à penser qu’il s’agissait d’habitués des lieux, membres des clans de la drogue qui tiennent le haut du pavé dans ce quartier », remarque le premier échevin, Alain Courtois (Mouvement réformateur, libéral) dans une excellente analyse de Marie-Cécile Royen (article réservé aux abonnés). « Des commerçants en ont reconnu certains. D’autres venaient probablement de Forest et de Molenbeek. Tous les efforts d’embellissement qu’on a fait en leur faveur, ça ne les intéresse pas. »
Conséquence et non cause : ces phénomènes violents provoquent la lassitude d’une population indigène qui, ensuite, se réfugie hélas dans la xénophobie. Et qui votera peut-être en conséquence aux prochaines élections. Ainsi, la N-VA (nationaliste flamands, droite) recueillerait 20% des voix en Wallonie si le système électoral le permettait.
La gauche doit donc de sortir du déni au plus vite et la droite réfléchir à de vraies solutions. Tant qu’on ne répondra pas pertinemment aux vraies questions, on en sera réduit à attendre les prochains troubles dans la principale capitale de l’Union européenne.



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est écrivain, journaliste et romancier belge. Dernière publication : "Tout doit disparaître", Edilivre (2021)

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