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État de droit, que de frime on commet en ton nom

Le sujet préoccupant de la protection et de la sécurité des Français écarté par un faux débat...


État de droit, que de frime on commet en ton nom
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre à l'Assemblée nationale, 1er octobre 2024 © ISA HARSIN/SIPA

Estimant que sa priorité consiste à protéger la nation, le ministre de l’Intérieur a osé dire que l’État de droit n’est « ni intangible ni sacré ». Lors de la déclaration de politique générale hier, il a été désavoué par le Premier ministre qui entend donner des gages aux centristes mollassons.


Le syndicat des beaux esprits et grandes âmes s’est trouvé une nouvelle marotte : l’État de droit. Depuis que le ministre de l’Intérieur a déclaré que celui-ci n’était « ni intangible ni sacré », ils ont découvert qu’ils l’adoraient. Par exemple, quand ils subventionnent des associations qui aident les migrants à transgresser nos lois ; quand ils affirment que la police, seule détentrice de la force légale, « assassine » ; quand ils applaudissent un zozo qui appelle à l’intifada en plein Paris ; quand ils s’opposent à une perquisition menée sous la responsabilité de la Justice en braillant « La République, c’est moi » ; quand ils estiment que l’émotion justifie une manifestation interdite (ça c’était Christophe Castaner à propos d’une manifestation du comité Traoré à la fin du confinement). C’est comme ça, l’État de droit, ils y pensent jour et nuit.

Festival de jérémiades

La macronie et la gauche nous ont donc offert un nouveau festival de jérémiades et offuscations, chacun faisant mine de penser que Bruno Retailleau appelait de ses vœux un régime policier où l’arbitraire remplacerait la règle de droit. « Retailleau remet en cause l’État de droit, c’est-à-dire la séparation des pouvoirs, la justice indépendante, les libertés fondamentales », déclare sobrement Manuel Bompard. « Retailleau fait comme s’il gouvernait déjà avec l’extrême droite », ose Olivier Faure. « L’État de droit est sacré. Il nous protège, il garantit que personne, pas même un ministre, ne puisse faire ce qu’il veut. Renforçons l’application de nos règles, mais sans jamais contourner le cadre qui nous protège tous : l’État de droit », s’enflamme Yaël Braun-Pivet.

On ne s’étonne pas des imprécations venues de la gauche, qui continue de vivre dans une réalité parallèle. Ainsi, dans sa réponse au discours de politique générale de Michel Barnier, l’inénarrable Panot continue à expliquer que le Nouveau Front populaire a gagné l’élection et à réclamer avec force glapissements, la nomination de la très baroque Lucie Castets, dont les Français ont déjà oublié le nom et les inepties qu’elle a prononcées. Mais si on en doutait, cet épisode ridicule montre à quel point les macronistes sont sous l’emprise de leur surmoi de gauche.  Alors qu’ils sont contraints de soutenir un gouvernement de droite, leur obsession, c’est de montrer par tous les moyens qu’eux ne mangent pas de ce pain-là. Gabriel Attal ne s’en cache pas. À l’Assemblée, hier, il n’a cessé de roucouler en direction de la gentille gauche, celle qui n’a avec LFI qu’une misérable alliance électorale, mais rien en commun rassurez-vous. À l’évidence, Attal et ses troupes attendent en embuscade que le gouvernement tombe pour jouer à embrassons-nous Folleville avec leurs copains du PS. Il ne faudrait pas qu’on cesse de les recevoir sur France Inter. En faisant de Bruno Retailleau leur tête de turc, ils achètent leur place à l’église.

Barnier contraint de recadrer Retailleau

Le pire, c’est que Michel Barnier a dû mettre genou à terre. Non seulement il a recadré son ministre, lui imposant une sorte de mea culpa, ce qui a enchanté la presse de gauche, mais il a été contraint de proclamer dans son discours que l’Etat de droit était sacré, reconnaissant ainsi qu’il était tenu par les macronistes et provoquant un soupir agacé de Marine Le Pen. Pris en sandwich entre Attal et Le Pen, le Premier ministre ne va pas être à la fête.

Si le clan des offusqués cherchait autre chose que l’occasion de prendre des poses avantageuses, la sortie de Retailleau aurait pu être l’occasion d’un beau débat, essentiel pour le pays.

L’État de droit, tel que nous l’avons bâti, c’est l’infrastructure juridique de la démocratie. Un ensemble de règles, adoptées par les représentants du peuple souverain, auquel les gouvernants sont soumis comme n’importe quel citoyen. C’est donc la garantie contre l’arbitraire du pouvoir. L’Etat de droit signifie que le gouvernement ne peut pas vous faire embastiller sans raison.

Seulement, cet État de droit a changé de nature, parce que le droit dont il garantit la primauté a changé de nature. Il s’agit de moins en moins de droit positif et de plus en plus d’une interprétation jurisprudentielle très libre de ce droit. La Cour de cassation, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État sont habilités, dans leurs domaines respectifs, à dire comment on doit lire la Constitution et les lois adoptées par des élus. De même, la Cour européenne des droits de l’Homme décide de la façon dont la Convention du même nom doit être comprise et appliquée. Or, depuis au moins une dizaine d’années, ces éminentes juridictions nationales et internationales interprètent tous les textes dans le même sens : toujours plus de droits pour les individus, y compris les délinquants, criminels et terroristes, toujours moins de droit pour les Etats de se protéger. C’est ainsi que la CEDH a sommé la France d’annuler l’expulsion d’un Tchétchène radicalisé. Sans succès heureusement. Sauf que, quand c’est le Conseil d’Etat qui annule une expulsion, le gouvernement ne peut pas l’envoyer bouler.

L’État de droit n’est plus un ensemble de règles adoptées par la voie démocratique, il est devenu une idéologie qui change les règles sans que jamais les peuples soient consultés sur ce changement. C’est l’État de droit qui impose aux Français un multiculturalisme qui leur va mal au teint. C’est l’État de droit qui s’oppose au bon sens. Bruno Retailleau a raison. Il faut changer l’État de droit. Ou on finira par en dégoûter les Français.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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