Bruno Mégret réagit à la mort de Jean-Marie Le Pen. L’ancien numéro 2, qualifié de « félon » en 1998 par le « Menhir », s’était finalement réconcilié avec son ancien ennemi. Il partage avec nous quelques souvenirs.
Causeur. Au moment de rejoindre le Front National, vous dirigiez votre propre structure les CAR, parfois présentée comme concurrente. Comment s’est déroulée votre première rencontre ou prise de contact avec Jean-Marie Le Pen ? Qui en fut à l’initiative ?
Bruno Mégret. Au lendemain des élections de 1981 et de la victoire de Mitterrand, je fais l’analyse qu’il existe dorénavant une place pour un nouveau parti, un vrai parti de droite qui serait porteur d’un grand projet de renouveau national libéré de l’emprise idéologique de la gauche. C’est pour initier ce projet ambitieux qu’avec quelques proches, nous lançons les Comités d’action républicaine, les CAR. Lesquels rassemblent très vite de nombreux Français notamment parmi ceux qui accusent les partis de droite d’avoir laisser la gauche gagner en ne s’opposant pas clairement à elle. Forts de ce soutien, nous commençons à constituer une petite force politique : quinze mille adhérents, cent vingt comités. Aussi, dans la logique qui était la nôtre décidons-nous de présenter une liste aux élections européennes de 1984. Hélas, nous ne parvenons pas à rassembler les fonds nécessaires et Le Pen, qui lui a réussi à présenter une liste, réalise un score spectaculaire de près de 10 %. Dès lors les jeux sont faits. C’est Le Pen qui va créer le parti politique nouveau que je pensais possible de faire émerger à la droite du RPR. La dynamique est désormais de son côté.
C’est dans ce contexte que je réponds à l’invitation d’un ami chef d’entreprise qui organise un déjeuner chez lui avec Le Pen et d’autres personnalités. Je découvre alors un homme intelligent et cultivé qui développe une analyse fine de la situation politique du pays. Analyse que je partage. Je me reconnais aussi dans la plupart des idées et des convictions qu’il exprime. Bref, je découvre une personnalité beaucoup plus riche et intéressante que celle qu’en donnait le prisme déformant des médias. Lui aussi remarque les nombreux points qui nous rapprochent. Mais les choses en restent là.
Et rien ne se passe jusqu’à ce que Le Pen annonce qu’aux élections législatives de 1986, il ne présentera pas que des candidats FN mais qu’il fera appel à des personnalités d’ouverture non membres de son parti, les uns et les autres adoptant l’étiquette de « Rassemblement national ». Je me dis alors qu’il faut saisir cette opportunité et je prends contact avec Le Pen, ou plutôt c’est Patrick Buisson, partisan de ce rapprochement, qui nous met en relation. La rencontre a lieu à Montretout et nous nous mettons facilement d’accord sur le dispositif par lequel les CAR se joindront au FN dans le cadre du Rassemblement national pour les élections législatives et régionales. Deux circonscriptions éligibles sont prévues pour Jean-Claude Bardet et moi-même ainsi qu’un quota de conseillers régionaux. Une relation de confiance s’établit
