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Bruno Le Maire, son roman et notre mauvaise foi

Le billet politique de Jérôme Leroy


Bruno Le Maire, son roman et notre mauvaise foi
Ministre le jour, écrivain la nuit, Bruno Le Maire n'a pas une minute pour se reposer ! © ISA HARSIN/SIPA

Quoi que vaille le roman de Bruno Le Maire, les attaques contre lui sont d’une stupidité rare.


Je n’ai pas lu le roman de Bruno Le Maire et je ne le lirai probablement jamais. À part la page érotique et anatomico-présodomitique qui fleurit sur les réseaux, comme tout le monde.

Je n’aime pas le Bruno Le Maire politique. Il incarne une sorte de libéralisme totalement anachronique et il a une pensée économique à peu près aussi exaltante qu’un plat de coquillettes sans beurre, sans jambon, sans gruyère râpé, sans rien. Ancien de LR affichant un gaullisme ornemental, il s’est rallié au président le plus antigaulliste qui soit par sa capacité à humilier son propre peuple et à soumettre le destin de tout un pays à la logique des marchés. Le Maire est son fidèle exécutant et il est bien mal récompensé par les agences de notation qui dégradent la note de la France en motivant explicitement leur décision par l’incapacité macroniste de faire passer une réforme sans mettre le feu partout.

Qu’on me donne six lignes écrites de la main du plus honnête homme, j’y trouverai de quoi le faire pendre…

Mais je n’aime pas non plus la façon dont on se fout de lui à propos de son roman. On peut extraire une page d’à peu près n’importe quel livre, même d’un très grand écrivain, et tourner l’auteur en ridicule. Certains critiques sont experts en la matière. Même avec les grands du passé, ça marche. Savez-vous qu’on peut lire, dans un des plus beaux romans d’amour de langue française, Le Lys dans la Vallée, une phrase aussi franchement ridicule que « N’aigrissez point le lait d’une mère » ? Elle est prononcée par une femme mariée, face aux tentatives de séduction d’un jeune homme…


À lire aussi, Dominique Labarrière: De la dilatation des corps subtils

Tous englués dans l’idéologie managériale

Je n’aime pas non plus l’argument qui consiste à dire que trouver le temps d’écrire un roman supposerait qu’on fasse mal son travail. C’est une des raisons qui m’ont fait quitter mon métier. Jusque dans les années 90, disons, publier un livre était considéré par la hiérarchie comme un plus, la preuve que l’Education nationale avait des profs formidables. Je me souviens encore de ce principal me donnant mon après-midi sans demande de récupération pour que je puisse participer à une émission de France-Culture. Puis, peu à peu, au fur et à mesure que le langage managérial gagnait l’école et que les collèges et lycées ont commencé à être gérés comme des PME, toute activité extra-pédagogique a été considérée comme suspecte, comme du temps distrait à la tâche que l’on devait exécuter avec un dévouement total…

Bref, prof ou ministre, travailleur social ou même ouvrier, comme le regretté Joseph Ponthus et son A la ligne (La Table Ronde, 2019) qui racontait ses journées dans les abattoirs bretons et qui connut le succès que l’on sait, le désir d’écrire, la passion d’écrire, c’est comme la Grâce, elle frappe où elle veut, qui elle veut, quand elle veut. Est-ce que Bruno Le Maire est possédé par cette passion ? Est-ce qu’il est écrivain, bon ou mauvais, peu importe? Je n’en sais rien et personne ne le sait. Alors, attaquons-le sur tout ce que vous voulez, mais là-dessus, j’ai comme un doute. La seule chose qu’on pourrait objecter, c’est que si vraiment Bruno Le Maire ne peut se passer de ce démon de l’écriture, qu’il publie sous un pseudonyme bien verrouillé ! Et là, il se confrontera à un jugement qui ne sera pas faussé – ni par la complaisance des larbins ni par la mauvaise foi des adversaires…

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