Le « grand débat national » est fini, ou purement décoratif: Bruno Le Maire l’a fait comprendre aux Anglais. Sur la BBC, le ministre de l’Economie a assuré, le 18 janvier dernier, que le cap serait gardé.
Ils avaient tout misé sur l’exaspération de l’opinion envers les casseurs ? Cela n’a pas pris, le Gaulois semble vouloir rester réfractaire. Aussi, le président Macron et son gouvernement ont décidé de lancer un « grand débat national » à la faveur de la révolte des gilets jaunes. La belle affaire !
Non, non, rien n’a changé…
A écouter les récents propos du ministre de l’Economie Bruno Le Maire sur la BBC, il apparaît qu’il pourrait bien s’agir d’un débat de complaisance, tant l’exécutif semble sûr de son plan de route, lorsqu’il s’exprime à l’écart des atermoiements quotidiens de nos chaînes de télé nationales.
Que les gilets jaunes se le tiennent pour dit : la ligne économique libérale restera inchangée. Face à un journaliste pugnace soucieux de mettre les Français face à leurs contradictions, Monsieur Le Maire ne se laisse jamais démonter. Ses propos sont vifs et déterminés.
« Quand vous baissez la taxation des plus riches, ce n’est pas pour leur faire des cadeaux »
Alors qu’il envisageait comme seule réelle nouveauté la taxation prochaine des GAFA (géants du web) dans le JDD, Bruno Le Maire est resté droit dans ses bottes, sur la BBC. Dans la célèbre émission « Hard Talk », il a réaffirmé au journaliste Stephen Sackur sa volonté de suivre coûte que coûte le chemin tracé par Emmanuel Macron en 2017. Quand il est reproché à son président d’être perçu comme celui des riches, son sang ne fait qu’un tour : « Je pense que c’est un procès injuste contre Emmanuel Macron. Nous essayons quelque chose de radicalement différent. » Malgré les difficultés du moment provoquées par les populistes qui montent dans les sondages et les gilets jaunes qui grognent dans les rues et sur les ronds-points, Bruno Le Maire mesure le chemin parcouru : « Nous avons pris des décisions difficiles. Regardez par exemple ce que nous avons décidé sur notre système fiscal : nous avons décidé de supprimer l’ISF pour les gens les plus riches. Nous avons décidé de réduire la taxation sur le capital dans le but d’avoir plus d’argent pour l’investissement et l’innovation qui manquent à l’économie française. C’est un changement radical et c’est difficile de l’expliquer. Je suis moi-même un élu de la France profonde, et il est très compliqué d’expliquer aux gens que, quand vous baissez la taxation des plus riches, ce n’est pas pour leur faire des cadeaux mais pour aider notre industrie à investir et innover. »
« Nous resterons sur le chemin des réformes et de la transformation »
Après avoir affirmé toute son inquiétude et son attente de clarification concernant le foutu Brexit des Britanniques, le ministre a continué de plaider pour plus d’intégration et de convergence entre les pays membres de l’Union européenne. Mais le journaliste de la BBC s’est empressé de dire qu’avec la crise sociale française actuelle, le programme du gouvernement était fortement compromis : « Depuis que les gilets jaunes sont descendus dans la rue – et après des centaines de blessés – Macron est revenu en arrière sur les taxes sur le diesel. Il est revenu en arrière sur les retraites. Il est revenu en arrière sur les heures supplémentaires ! On dirait, et ce n’est pas la première fois en France, que les ambitions d’un président réformateur ont été anéanties par la population française. On a déjà vu ça… » A cela, sans faillir, Bruno Le Maire a répondu que malgré les reculs concédés, « nous resterons sur le chemin des réformes et de la transformation. »
Alors qu’un peu partout : aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie ou en Pologne, les nationalistes ou les europhobes gagnent leurs places, Bruno Le Maire reste confiant : « Je suis un homme serein. Beaucoup de pays et de gens attendent les propositions de la France. » On est alors tentés, comme Stephen Sackur, de dire qu’en effet on a « déjà vu ça » : une fois de plus, un décalage marqué se fait jour entre les orientations politiques nationales et le reste du monde occidental. Alors que la politique néolibérale suivie par Macron, d’essence plutôt anglo-saxonne, est massivement rejetée autour de nous, la France s’enferme dans cette voie. S’il reste des Français satisfaits de participer à un « grand débat national » (débat en partie volé lors de la présidentielle par l’affaire Penelope Fillon) et d’avoir enfin leur mot à dire sur les grandes orientations à donner à la politique du pays, ils devraient légitimement se demander quelle en est l’utilité réelle à l’aune des propos de Monsieur Le Maire sur la BBC.
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