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Un voyage de rêve aux antipodes

« L’argot des manchots » de Bruno Fuligni


Un voyage de rêve aux antipodes
Détail de la couverture

Bruno Fuligni publie un Petit lexique en usage dans les Terres australes et antarctiques françaises… (Maisonneuve & Larose/Hémisphères Ed.).


Sauf à défier la réalité la plus patente, on ne saurait affirmer que la France entretient, avec ses terres australes et antarctiques, des relations étroites. Qui saurait, chez nous, situer avec précision, sur une mappemonde, tous les îles et îlots qui forment les TAAF (terres australes et antarctiques françaises) ? A l’inverse, qui a jamais vu débarquer, à Chambord ou à Chenonceau, des cars de touristes venant de Terre Adélie ?

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Une indéniable poésie

D’aucuns s’en féliciteront : les contacts seraient-ils plus chaleureux, on n’ose imaginer sans frémir les conséquences qui en résulteraient, en nos temps de réchauffement climatique. D’autres, en revanche, ne manqueront pas d’arguer que ces territoires recèlent des trésors aussi inestimables que méconnus. Non de ces ressources maritimes, minières ou souterraines qui alimentent les conflits entre les peuples, mais dans un domaine beaucoup plus subtil, celui de la langue. À preuve, l’Argot des manchots, de Bruno Fuligni, universitaire et écrivain. Un petit lexique qui tombe à point nommé pour célébrer la découverte des îles Crozet et Kerguelen, en 1772, il y a deux siècles et demi. 

Bruno Fuligni photographié en 2018 © Jacques BENAROCH/SIPA Numéro de reportage : 00839227_000040

Partant du constat que les TAAF sont des lieux de transit dans lesquels se succèdent des équipes de scientifiques, techniciens ou militaires, parlant des langues différentes, l’auteur a reconstitué à leur usage un lexique leur permettant de communiquer. Une sorte d’espéranto, ou d’argot, le taafien. Tout en conservant la grammaire du français, ce langage fait un grand usage de sigles, acronymes et abréviations compréhensibles par les seuls spécialistes – et, bien sûr, par les manchots, seuls habitants permanents de ces contrées.

Le résultat est irrésistible. À la fois drôle, voire cocasse, cette novlangue dégage une indéniable poésie. Le lecteur s’y trouve plongé dans un univers singulier où l’algo, apocope d’algologue, voisine avec l’Armorigène, venu de la base d’Armor. Où le bourbon, un éléphant de mer qui n’a rien de commun avec la dynastie royale, croise le goél, descendant du goéland amputé de sa queue. Où le maca, oiseau issu du gorfou macaroni, se perche parfois sur un mât lomo, un pylone en tubes d’acier du plus bel effet. Au total, un antidote idéal à la morosité ambiante et le moyen de se dépayser à peu de frais.



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Journaliste et écrivain, a enseigné les lettres classiques au lycée et l'histoire du jazz à l'université.

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