À l’occasion de notre numéro 100, Jean-Paul Brighelli nous adresse quelques lignes…
« Vraiment, vous écrivez dans Causeur, ce média fasciste ? Ça ne m’étonne pas de vous… » Cette réflexion, je l’ai subie dix fois, cent fois, assénée par des « gens de gauche » ou prétendus tels.
Qu’est-ce que ce doit être bien, dans leur tête ! Ici le Bien, et là le Mal. Ceci est woke, et ça, c’est caca-boudin.
Je suis très heureux d’être hébergé depuis des années par Causeur. Lorsque j’ai déménagé mon blog personnel, « Bonnet d’âne », créé sur le site du Midi-Libre et qui se cherchait un hôte plus ouvert, Elisabeth Lévy, que je ne connaissais alors ni d’Eve ni du bout des dents ne m’a pas demandé si j’étais ceci ou cela, pro-Hollande (horresco referens, comme on dit vulgairement) ou pastafarien. Elle m’a ouvert sa porte — « toi l’hôtesse qui sans façon m’a donné quatre bouts de pain quand dans ma vie il faisait faim », disait Brassens.
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Et puis j’ai intégré en parallèle les chroniques du site, parlant de littérature, d’école, de cinéma, de politique générale. C’était un peu avant que Le Point.fr, où l’on ne rit que du bout des dents, me ferme sa porte pour des prises de position qu’il ne considérait pas mainstream, comme on dit désormais en français.
Causeur au contraire ne répugne pas aux chemins de traverse où le Chaperon rouge s’égare et fréquente de bien méchants loups.
À une époque où les gens ont à cœur de se définir par les portes qu’ils ferment, Causeur se reconnaît à ses portes ouvertes. Je n’ai jamais, au fil de ces années, été censuré sur ce que j’avais écrit — pas une ligne, et pourtant j’en sors parfois des sévères. L’anticonformisme règne ici en roi débonnaire — et comment serait-il autoritaire ? Après un petit coup de déprime, l’année dernière, j’ai fermé « Bonnet d’âne », puis je l’ai rouvert en le spécialisant dans l’érotisme — un domaine où j’en connais un bout. Personne à Causeur n’a joué les Pères ou Mères-la-pudeur — ils le feraient qu’ils en poufferaient.
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Et pour avoir fréquenté quelques autres médias, je sais que cette attitude est aujourd’hui exceptionnelle. Là on cherche à amadouer les enseignants, et là les forces de l’ordre ou les islamistes — les médias ont été sommés, ces dernières années, de se ranger dans l’une ou l’autre des cases correspondant à la France fragmentée et communautariste dont Jean-Luc Mélenchon s’est fait désormais le chantre, sans aucune arrière-pensée électoraliste, bien sûr. Mais que je n’apprécie pas plus Eric Zemmour, qui fut un ami jadis, que le lider maximo de LFI ne dérange pas le bureau de Causeur, où les opinions n’ont de sens que si elles s’agrémentent d’un humour corrosif. Or, les gens qui se prennent aujourd’hui au sérieux en manquent considérablement. La fréquentation de Causeur m’a sans doute fermé pas mal de portes, entre autres dans l’édition. Je m’y fais : je préfère une vraie liberté ici qu’une litanie de contraintes là-bas. Et chaque fois que je lis des commentaires agressifs, je reprends Philippe Muray, l’apôtre-maison, et ça passe.
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