Nous avions moqué il y a quelques semaines les théoriciens du chaos post-Brexit, qui prophétisaient tous les malheurs au peuple britannique au cas où il affirmerait sa volonté de sortir de l’Union européenne. Les sujets de Sa Gracieuse Majesté ne lisent pas la presse française ; pis, ils ne regardent même pas les experts de C dans l’air. Ils ont donc voté « Leave ». Après le scrutin, ce sont les leaders du Brexit qui étaient montrés du doigt. Boris Johnson, qui avait pris acte du fait que les conditions politiques ne lui permettaient pas d’accéder au 10, Downing Street, était dépeint en lâche. L’ancien maire de Londres n’était qu’un pitre qui ne voulait surtout pas du pouvoir, surtout pas assumer la responsabilité de son militantisme pour le « leave ». Manque de bol, Johnson ne s’était terré nulle part et a débarqué au Foreign office. Pour se cacher, convenons qu’il y a beaucoup mieux.
C’est Theresa May qui est devenue Premier ministre. Elle, qui avait pris position pour le « remain » a expliqué que son devoir était de faire du Brexit une chance pour le Royaume-Uni. Et elle s’y est attelée. Pour l’heure, aucune pluie de sauterelles de l’autre côté de la Manche, ni séismes ou épidémies de choléra. Au contraire, la consommation a rebondi en juillet. Quant au tourisme, il a également connu une augmentation cet été. Bizarre pour un pays dont le peuple aurait décrété l’édification de murs et autres barbelés. Trêve de plaisanteries. Toute personne de bonne foi sait très bien qu’on peut vivre hors de l’Union européenne. La Suisse, la Norvège y réussissent très bien, chacune à leur façon. L’Islande aussi, qui refuse aujourd’hui d’y entrer après avoir été longtemps tentée d’y adhérer. De chaque côté, il faut faire preuve de modestie, la consommation et le tourisme auraient peut-être rebondi aussi en cas de vote pour le « remain ». Qui peut avoir des certitudes à cet égard ? Hormis, bien sûr, les experts de C dans l’air ou les éditorialistes du Monde ?
Ce qui est certain, en revanche, c’est que Theresa May a compris le message de son peuple. Les Britanniques voulaient retrouver la maîtrise de leur destin ; elle souhaite leur donner. On savait qu’après trente ans de thatchérisme et de blairisme, autres noms de la fameuse « adaptation nécessaire à la mondialisation », le Parti conservateur avait entamé une réflexion en son sein. On savait aussi que David Cameron s’était déjà appuyé sur Philipp Blond, le théoricien de la « Big society ». Theresa May va plus loin. Surfant sur le résultat du référendum, elle affirme sa volonté de redonner à son pays une politique industrielle, mais aussi de réduire les inégalités. Celle que des imprudents avaient dépeinte comme l’héritière de la Dame de fer a même recréé une forme de Commissariat général au Plan. Chez nos confrères du Figaro, Pierre-Henri d’Argenson explique que « le Brexit n’est donc pas seulement le fruit d’une manipulation populiste tombée sur son jour de chance, mais procède d’un mouvement profond de remise en cause des dogmes économiques sur lesquels les gouvernements libéraux, de droite comme de gauche, avaient assis leurs certitudes. Sans conteste, ajoute ce haut-fonctionnaire spécialiste des questions internationales, nous assistons là à une révolution économique et politique ».
Cette révolution n’intéresse pas la plupart des médias de notre pays, qui sont passés à autre chose. Il s’agit maintenant de préserver les citoyens des Etats-Unis des séismes, pluies de sauterelles et autres épidémies de choléra qu’engendrerait forcément une victoire de Donald Trump en novembre. Victoire qu’on décrète par ailleurs impossible, mais tout en se mobilisant quand même pour ne pas la voir advenir. Allez comprendre…
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