Il y a quelque chose de racorni au Royaume-Uni. Non que la rédaction de Causeur, toutes sensibilités confondues, ait quelque chose à redire du vote britannique. Quoi qu’on pense du Brexit, messieurs les Anglais ont voté les premiers et le respect de la vox populi est l’un des rares points de consensus entre nous. Mais depuis le 23 juin, les gagnants du référendum paraissent déroutés par leur victoire, comme l’attestent le renoncement de Boris Johnson et la démission de Nigel Farage. Une « étrange victoire » aussi déconcertante que la morgue revancharde d’une partie des perdants.
« Qui a peur du grand méchant peuple ? » s’interroge Elisabeth Lévy avec un zeste de jubilation devant le verdict des urnes. « On a le droit de penser que les Britanniques ont fait un mauvais choix. Pas que ce sont des imbéciles. Et encore moins qu’on peut s’asseoir sur leur vote. », ajoute notre directrice de la rédaction, affligée par les réactions antidémocratiques de certains européistes. « Ich bin ein Brexiter ! » décrète avec bonheur notre chère Elisabeth, jamais à court d’arguments pour désespérer Saint-Germain.
« Comique est la revendication immédiate, par ceux qui n’aiment pas le résultat, de réinitialisation de la séquence, comme s’il s’agissait d’une scène que les figurants devaient rejouer : « C’est mauvais, les cocos, on la refait. », raille Marin de Viry, dans sa philippique contre les eurobéats sourds et aveugles.
Non moins burlesque, le carnet de jeux qu’a préparé Gérald Andrieu vous plongera dans des abîmes de stupéfaction en découvrant que certains journalistes et politiques rêvent d’exil dans des contrées exotiques où le peuple est moins borné. Les mêmes aspirent à éradiquer les intolérants… au nom de l’ouverture aux autres.
Laetitia Strauch-Bonart, que je suis ravi d’accueillir dans nos colonnes, s’étonne de l’ethnocentrisme hexagonal s’escrimant à nous faire passer les vessies eurosceptiques pour des lanternes antilibérales. Car, outre-Manche, le Brexiter moyen ne cesse de fustiger une Commission européenne tentaculaire à l’interventionnisme économique tatillon guère compatible avec la patrie de la libre entreprise et des libertés individuelles qui est celle de Sa Gracieuse Majesté. « It’s the economy, stupid », comme disait l’autre, mais pas forcément dans le sens que l’on croit !
Dans une veine tout aussi conservatrice, mais favorable au « remain », Jeremy Stubbs nous gratifie de son journal de campagne. Affligé par l’amateurisme et l’impréparation des pro-Brexit de son propre camp, le représentant des Tories à Paris moque Boris Johnson, « the man without a plan », si désemparé par la victoire du « leave » qu’il est en venu à la déclarer « pas vraiment décisive » ! Et les europhiles du Parti conservateur n’ont pas non plus de quoi pavoiser : au 10 Downing street, Cameron « annonce qu’il ne sera plus là pour déclencher un Brexit auquel il n’a jamais cru » cependant que Johnson « ne semble pas avoir cru à un Brexit qu’il se disait prêt à déclencher ». Avec le recul si rare chez nos politiques, Stubbs diagnostique une crise de l’identité anglaise, faute d’un « grand récit victimologique » à faire valoir comme leurs voisins écossais, nord-irlandais ou gallois.
Si l’on élargit la focale, il faut bien se rendre à l’évidence, un spectre hante l’Europe : le populisme. Cauchemar pour les uns, panacée pour les autres, ce mouvement de rejet des élites est mû par une volonté de sauvegarder son niveau de vie ainsi que son mode de vie, nous apprend l’universitaire italien Marco Tarchi.
Et si l’apocalypse annoncée n’avait pas lieu ? L’économiste Gaël Giraud entrevoit la naissance d’un nouveau monde doté de frontières, au grand dam des utopistes de la mondialisation heureuse.
Pour les prochaines décennies, le prophète Maurice G. Dantec – paix à son âme – espère, dans un texte daté de 2003 que Causeur a exhumé, la renaissance d’une Europe judéochrétienne, sans quoi le Vieux continent renoncerait à son destin.
Une large part de nos pages actualités est consacrée au terrorisme, sujet (hélas) incontournable en ces temps d’état d’exception permanent. Horrifié par le double crime de Magnanville contre un couple de policiers, Cyril Bennasar lance un coup de gueule : « Le simple profil Facebook de notre criminel aurait permis à un pouvoir exécutif juste assez courageux pour exécuter, de déchoir Abballa de sa nationalité par simple décret, sans être entravé par un tribunal juridiquement pointilleux » puis de l’expulser et d’ainsi éviter le drame qu’on connaît. Interrogé par Elisabeth Lévy et Gil Mihaely, l’avocat spécialiste du terroriste Thibault de Montbrial préconise la création de prisons réservées aux djihadistes. Infiniment plus léger, je vous emmène sur les pas des alterféministes Eugénie Bastié, Thérèse Hargot, Iseul Turan et Peggy Sastre contester le dogmatisme d’Osez le féminisme avec de jeunes et jolies jeunes filles.
Après un détour par un chef d’œuvre d’El Greco en séjour à Grenoble et la littérature de genre d’un Jean Ray, lumineux auteur des Contes du whisky, notre section culture vous transporte aux côtés de Pierre Etaix, clown et saltimbanque de 88 printemps qui a répondu aux questions de Patrick Mandon. Enfin, à quelques semaines des Olympiades de Rio, vous saurez tout sur les Jeux olympiques de Berlin 1936 au cours desquels Hitler ignora l’athlète afro-américain Jesse Owens. Mythe et réalité d’une légende noire.
Je vous laisse, il est grand temps de me goberger au bord de l’eau. Messieurs les Anglais, lisez les premiers !
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