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Breezy, l’amour en 1973


Breezy, l’amour en 1973
De gauche à droite, William Holden, Clint Eastwood et Kay Lenz, sur le tournage de "Breezy" (1973) © NANA PRODUCTIONS/SIPA Numéro de reportage: 00507486_000057

Quand on le revoit de nos jours, le troisième film de Clint Eastwood nous parle d’une Atlantide, celle où les rencontres amoureuses étaient encore possibles loin des injonctions intersectionnelles.


Breezy est le troisième film en tant que réalisateur de Clint Eastwood. On l’a revu récemment en VOD. Le propre des films de notre vie, c’est qu’on les revoit à l’occasion et qu’on fait bien, car on ne voit jamais le même film parce que nous vieillissons et que l’époque, aussi, change. Pour le pire et pour le pire, en fait.

Revoir Breezy, début 2020, donc.

C’est d’abord revoir deux acteurs.

Tournage du film
Tournage du film

Kay Lenz, dans le rôle de Breezy, jeune fille en rupture de banc: la candeur généreuse, la joie d’être au monde, un rapport franciscain à la Création, ce rapport qui était celui des hippies. Breezy est un surnom qui signifie littéralement « fraîcheur », c’est une hippie avec des vertus paradoxales de sainte : vœu de pauvreté, nomadisme du prêche par l’exemple, désir de la rencontre, insouciance sur le lendemain parce que le Seigneur y pourvoira et que ce qui compte, c’est jouer de la guitare pour célébrer l’unité du vivant.

Les débuts sur grand écran du « mâle blanc »

William Holden, dans le rôle de Frank Harmon. Quinqua bien avancé, architecte divorcé, solitaire par choix dans sa villa lumineuse sur les hauteurs de Los Angeles parce qu’il estime qu’il n’y a plus grand chose à attendre de l’existence, sinon un renoncement confortable dans un paysage de rêve. Depuis La Horde Sauvage mais encore plus dans Breezy, William Holden incarne la virilité mélancolique, le sentiment de vieillissement, une solitude de plus en plus grande qui est, l’air de rien, déjà, celle du « mâle blanc hétérosexuel de plus de cinquante ans« . C’est le bouc émissaire commode, aujourd’hui. Il est à peu près coupable de tous les maux du monde et de la société. Peu importe qu’il soit prolo ou patron, mutilé par des flics dans une manif contre les retraites ou député LREM. Peu importe qu’il soit victime ou bourreau : dans la situation historique présente, il est essentialisé, il est ontologiquement coupable, héritier de la seule oppression qui ait jamais existé : le patriarcat.

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Dans Breezy, Kay Lenz et William Holden vivent la même année, 1973, mais dans deux dimensions différentes. Ils ne pourront, évidemment, que s’aimer puisque tout les sépare. Le film est l’histoire, pour tous les deux, d’un refus et d’un dépassement des assignations sexuelles, d’âge, communautaires, de classe, ce qui est une assez bonne définition de l’amour. Tout ce que paradoxalement, on prétend détruire aujourd’hui alors qu’on le renforce jusqu’au délire, créant un archipel de ghettos où la Séparation telle que l’entendait Debord, règne en maitresse pour la plus grande joie du capitalisme, trop content d’avoir des opposants qui ne remettent plus en question un système de manière globale, ce que faisait le marxisme, mais l’attaquent par niches spécialisées, ce que fait l’intersectionnalité.

Pas un film pour Caroline de Haas

Dans Breezy, une néoféministe de ces temps-ci verra un insupportable regard genré masculin sur le désir, une insupportable séance de mansplaining, voire pour les plus atteintes, un insupportable récit d’emprise d’autant plus malsaine qu’elle est invisible. Vite, à la trappe de la « cancel culture »!  Cachez ce bonheur que je ne saurais voir!

Le grand Clint Eatswood, qui en était à ses débuts, a pourtant fait là un des films d’amour les plus élégants, pudiques, généreux, que je connaisse.

Mais c’était en 1973, autant dire il y a mille ans.

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