Breaking news. Tentative d’assassinat, pendant la campagne électorale américaine. Mince… ce n’est pas le candidat espéré par les journalistes qui était visé.
Vous êtes journaliste ou aspirez à le devenir. Désireux de faire une belle carrière, vous êtes bien conscient de devoir vous aligner le plus servilement possible sur le politiquement correct. Afin d’illustrer ce propos, je me permets de vous proposer ce qui suit.
Imaginons que, lors de la campagne électorale des présidentielles aux États-Unis, l’un des deux candidats se trouve blessé par balle au cours d’un meeting en plein air. Blessure assez légère fort heureusement, cependant la volonté de donner la mort ne fait aucun doute et la qualification de tentative d’assassinat s’impose à tous, adversaires politiques comme partisans.
Deux cas de figure vous sont dès lors proposés.
Premier cas : le candidat visé et blessé est Républicain, donc classé, ou plutôt – politiquement correct oblige – relégué à droite. Appelons-le Donald T.
Devant ce fait d’actualité, ce que à quoi vous devez vous attacher est très clair : focaliser votre article, vos interviews, vos plateaux TV sur le seul sujet des règles de sécurité, de protection et leur mise en œuvre dans cette circonstance. Rien d’autre que la sécurité, cela est essentiel. Y avait-il assez d’agents secrets et non-secrets ? Sont-ils bien formés, après tout ? La position du tireur d’élite couché est-elle la bonne? Le fusil d’assaut sur un trépied est-elle la configuration prévue par le manuel ? Pourquoi l’exfiltration du blessé a-t-elle pris trois minutes et quarante-huit secondes alors qu’elle aurait dû s’effectuer en trois minutes et quarante-cinq secondes ? Pourquoi est-ce la portière arrière de ce côté qu’on a ouverte, et pas l’autre ? Enfin, vous voyez, vous croulez sur les points exploitables. Vous vous en remettez évidemment à l’avis d’experts-spécialistes et de spécialistes-experts qui tous tombent d’accord pour affirmer que s’ils avaient été en charge du truc, ça ne se serait pas passé comme ça. Ah, mais non ! Bref, vous avez compris que vous tenez là le traitement de votre sujet, vos trois pages de canard, l’intégrale de votre journée « spéciale attentat ». Vous n’avez plus qu’à attendre les félicitations de votre hiérarchie. Voire de plus haut.
Second cas de figure : le candidat visé et blessé est Démocrate, l’homme du bon camp, le parti des vertueux. Appelons-le Joe B. Même blessure légère, également à l’oreille. (Notez que nous nous plaçons dans l’hypothèse où ce personnage aurait encore la lucidité de s’être rendu compte de ce qui se passait). Ainsi, vous voilà avec la mission journalistique de traiter la tentative d’assassinat sur la personne du candidat démocrate Joe B.
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Sachez tout d’abord qu’il n’y a absolument aucune urgence à ce que vous vous intéressiez dès à présent aux conditions, bonnes ou mauvaises, dans lesquelles sa sécurité était assurée. Vous décrétez que cela relève de l’anecdotique et ne devra venir que plus tard, seulement si besoin est.
Non, en excellent journaliste adepte du politiquement correct, vous aurez à cœur d’ouvrir votre papier, votre émission radio ou TV par une formule du genre : « Certes, c’est ce pauvre bougre Tartempion-Machin qui a tiré, mais c’est bel et bien le populisme trumpiste qui a engagé la balle dans le canon. » D’emblée, vous êtes au top du top. Vous tenez le coupable, le seul vrai coupable, le fauteur de troubles vaguement raciste, le semeur de haine, de discriminations tous azimuts, le propagateur fanatique de la violence, de toutes les violences. Pour étayer le réquisitoire, vous exhumez de ses propos des cinquante ou soixante dernières années le moindre bout de phrase, la plus légère allusion qui, éventuellement, pourrait presque donner à envisager qu’il aurait pu, plus ou moins, de loin ou de près, encourager un tel acte. Vous convoquez évidemment ce qu’il faut de témoins à charge à la barre de votre procès instruit d’avance. Ils sont légion. Et tous sont d’accord pour déclarer qu’ils avaient vu le coup venir depuis longtemps et que si on avait écouté plus tôt leurs mises en garde contre la montée du fascisme, le retour de la peste brune, ce drame épouvantable ne se serait jamais produit. Ah, mais non !
Bref, vous tenez là le papier de votre vie, celui qui vous ouvrira en grand les portes de la carrière. Car vous n’aurez pas omis de glisser quelques mots bien sentis sur ce fascisme encore rampant qui serait, en vérité, une internationale. Suivez mon regard.
Bien entendu, vous n’omettrez pas non plus de conclure votre brûlot par ces mots qui vous vaudront les vivats de la foule des grands soirs Place de la République : « Plus que jamais la preuve est faite ! Le populisme tue! » De la belle ouvrage, vraiment. Allons, ne me remerciez pas.
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