Si les gazettes people se passionnent pour les idylles gnangnan de L’Amour est dans le pré, elles ignorent copieusement les quelque 300 suicides d’agriculteurs (contre la moitié il y a cinq ans) qui ont endeuillé la France en 2016. Seule la presse quotidienne régionale sauve l’honneur de la profession en relatant ces drames humains. Ainsi, le Journal de Saône-et-Loire rapporte la fugue désespérée d’un éleveur de bovins du village de Trivy, un village de 270 âmes près de Cluny.
Paysan vs gendarmes
Jérôme Laronze, 37 ans, avait abandonné son exploitation début mai à la suite d’un contrôle vétérinaire houleux. Le militant de la Confédération paysanne, connu pour ses troubles psychiques et son rapport olé-olé à l’autorité, avait foncé en voiture sur les gendarmes qui accompagnaient les services vétérinaires puis fui dans une course-poursuite folle sur la N79. Rebelote une semaine plus tard : retrouvé par la maréchaussée le 20 mai, Laronze a dirigé sa voiture à toute berzingue sur deux gendarmes, contraints de lui tirer dessus par légitime défense. Bilan : un mort deux gardes à vues, et une enquête ouverte.
Faut-il voir dans ce décès un suicide par procuration ? L’éleveur charolais avait prévenu un an et demi avant d’atteindre le point de non-retour : « Les agriculteurs sont plutôt des taiseux, et souvent ils retournent la violence contre eux-mêmes. C’est pour cela qu’il y a un ou deux suicides par jour dans notre profession. Mais peut-être que la violence va finir par se tourner vers les autres ». Prémonitoire.
Un outil de prévention des suicides
Mais les paysans bourguignons n’ont pas attendu ce triste fait divers pour réagir. Début mai, après le suicide de deux exploitants, la Mutualité Sociale agricole de Bourgogne a mis en place un outil de soutien psychologique aux agriculteurs en détresse. Vingt-quatre travailleurs sociaux dispersés dans la région répondent désormais aux appels de paysans pressurés par la paperasse administrative, la chute des prix ou la quête éperdue de subventions européennes. Certains y moqueront un « SOS amitié » rural mais il y a urgence. Le ministre de l’Agriculture a promis d’écouter les doléances des syndicats agricoles rencontrés le 23 mai, à commencer par la Confédération paysanne, ulcérée par la mort brutale de Jérôme Laronze. Aux yeux de Basta mag, la pression des contrôles sanitaires s’ajoute à la violence que subissent les inspecteurs. En somme, mis à part le grand propriétaire dopé aux subventions européennes, tout le monde paysan souffre.
La Fontaine ne s’y était pas trompé. Dans sa célèbre fable Les Animaux malades de la peste, le génial moraliste avait parfaitement dépeint le spleen du monde rural en décomposition : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés:/ On n’en voyait point d’occupés/ A chercher le soutien d’une mourante vie »…
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