Dans Malaise dans la langue française, dirigé par notre ami Sami Biasoni, 12 intellectuels nous alertent sur les menaces qui pèsent sur notre langue. Parmi eux, l’écrivain Boualem Sansal dont nous publions ici de larges extraits de la contribution.
Des temps fastes…
« Glücklich wie Gott in Frankreich », aimaient à dire les Allemands, avec une pointe de jalousie bien teutonne, c’est-à-dire franche et tenace. Ils n’étaient pas les seuls à envier ces Français qui avaient cette chance inouïe d’être Français vivant en France et qui, comble de l’ingratitude, trouvaient à se plaindre de la princesse, mais peut-être voulaient-ils seulement montrer que le bonheur n’est pas que dans l’abondance et la frivolité, il est aussi dans la critique et la dissidence. Dans le monde, jusqu’en ses terres les plus lointaines, on rêvait en toute occasion de cet Éden laïc et chahuteur où tout finit par des chansons, avec l’idée de le visiter un jour, d’y étudier, de s’y installer pourquoi pas, et d’apprendre en théorie et en pratique la recette des amours légères et des plaisirs fins, sans oublier les mille et une jouissives façons de râler à propos de tout et rien.
En ces temps bénis, tout allait de l’avant, l’économie, la culture, la science, l’expansion coloniale, la démographie, et le social aussi malgré tout. Il n’y avait que la religion qui stagnait mais qui s’en plaignait, personne, pas même ses prélats
