Le géopolitologue a suscité un tollé en traitant sur Twitter le maire de Saint-Ouen, Karim Bouamrane, de « muslim d’apparence ». S’il a depuis retiré ces propos, il a en revanche maintenu sa critique des médias français qui organiseraient selon lui une « grosse promo » pour les élus faisant silence sur Netanyahou.
« Muslim d’apparence » est le nouvel « arabe de service ». C’est en tout cas comme cela qu’a été compris, dans le microcosme politique, l’expression que Pascal Boniface, fondateur de l’IRIS, a employée pour qualifier le maire de Saint-Ouen (93), Karim Bouamrane.
Cette insulte, énoncée tranquillement sur Twitter par un ancien du PS, montre à quel point l’idéologie dite racialiste réveille et révèle le racisme le plus crasse à gauche. Ainsi, selon Pascal Boniface, les musulmans pensent tous pareil et un musulman qui aurait une pensée personnelle, originale, serait traître à son identité. Le problème, c’est que traiter quelqu’un de « muslim d’apparence » en dit beaucoup plus sur celui qui insulte que sur celui qui est visé.
Parce que, que signifie ce terme ? Que lorsqu’on ressemble à un arabe, on est forcément musulman, donc que l’on hérite d’une identité communautaire à laquelle on doit se conformer ? Sous peine de quoi ? D’être traître à sa race, à sa famille, à sa tribu ? Et d’ailleurs, quel est le comportement que devrait adopter un musulman pour ne pas être un « muslim d’apparence » ? Comment donc doit-il se réislamiser ? Et dans quel but ? Pour répondre à une partie de ces questions, il faut regarder précisément ce qui a valu à Karim Bouamrane une telle volée de bois vert. C’est là que l’histoire prend toute sa dimension.
Rétropédalage raté
En effet, le problème, avec l’inconscient, c’est que lorsqu’il s’exprime et vous fait dire une énorme bêtise, si vous la pensez profondément, il y a des chances qu’en essayant de vous désembourber, vous vous enfonciez encore plus. C’est justement ce qui est arrivé à Pascal Boniface. L’expression « muslim d’apparence » a déclenché un tollé, sa dimension raciste et méprisante ne pouvant être ignorée. L’homme a donc tenté un rétropédalage en direct. Mais quand on se prend les pieds dans le tapis, mieux vaut ne pas tenter le rétablissement en s’agrippant à la nappe. Sauf si on n’aime pas le plat du jour.
C’est ainsi que Pascal Boniface a voulu s’excuser, reconnaissant une maladresse dans l’usage de l’expression « muslim d’apparence ». On apprend au passage qu’une insulte à connotation raciste a été rétrogradée au rang d’indélicatesse. On a connu M. Boniface plus sourcilleux ! Mais, on ne sait pas encore si la jurisprudence fonctionnera demain si la personne « maladroite » est de droite… Le tweet a donc été retiré, mais l’homme a trop d’ego pour admettre véritablement son erreur, alors il faut un dernier baroud d’honneur. Il termine donc ses fausses excuses en renfonçant le clou. Pourquoi selon lui Karim Bouamrane est un « muslim d’apparence » ? Parce qu’il n’est pas assez critique à l’égard d’Israël et ne place pas de fausses accusations de génocide et d’apartheid contre l’État hébreu dès qu’il en a l’occasion. Le chercheur miserait-il sur une détestation culturelle des juifs et d’Israël, détestation qui ferait partie d’une identité musulmane ? On n’ose le penser, mais la piste pourrait-être la bonne.
Un sacré historique
D’autant que l’homme a rompu avec le PS avec pertes et fracas au début des années 2000. En cause ? Son positionnement à l’égard d’Israël et des juifs, déjà. Dans une note datée de 2001, il se positionnait sur le registre de l’efficacité électorale pour enjoindre les socialistes à quitter des positions jugées trop favorables à Israël alors que l’électorat à cibler serait plutôt, au vu du nombre, l’électorat musulman. C’était cynique, froid et arithmétiquement exact. Pourtant, aimer nager « dans les eaux glacées du calcul égoïste », c’est censé être de droite ça aussi… Visiblement, à gauche, on pratique fort bien la natation aussi. Mais ce qui est intéressant, c’était déjà l’argumentation de l’époque de M. Boniface: « Peut-on diaboliser Haider, et traiter normalement Sharon ? », écrivait-il. À l’époque, M. Haider était le dirigeant de l’extrême-droite autrichienne et ses sympathies pour le nazisme n’étaient pas ignorées. Un chercheur, censé donc avoir du recul sur ces questions, mettait sur le même plan le leader israélien et un Autrichien connu pour ses ambiguïtés envers le national-socialisme.
Une position que diffusent aujourd’hui les éléments de langage de LFI ou des islamistes, prompts à traiter de nazis les juifs, pour leur contester la création de l’État d’Israël. Pascal Boniface, de son côté, proposait même, dans le journal suisse Le Temps en 2002, d’inscrire Israël dans la liste des pays de « l’axe du Mal ». Le ton était alors ironique, mais visiblement l’obsession déjà là. Et 22 ans après, elle est toujours là. Au point que pour n’être pas assez agressif envers Israël, le maire de Saint-Ouen est accusé par Pascal Boniface d’être un mauvais musulman. Le fondateur de l’IRIS donne ainsi raison en creux à tous ceux qui notent que la recrudescence des actes et des paroles antisémites n’est pas liée à l’extrême-droite, mais à l’expression décomplexée d’un antisémitisme culturel arabo-musulman. Visiblement, il déplore même qu’il ne s’exprime pas plus.