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Ce que nous dit l’affaire Mehdi Meklat


Ce que nous dit l’affaire Mehdi Meklat
Mehdi Meklat dans l'émission de France 2, "Thé ou café", 11 février 2017

Le plus grave dans l’affaire concernant ce chroniqueur du Bondy Blog, Mehdi Meklat, qui a librement tenu pendant des années sur son fil Twitter (sous le pseudo de Marcelin Deschamps avant de revenir à son nom) des propos antisémites, homophobes, sexistes, insultants à l’égard de telle ou telle personnalité… dont certains tombent clairement sous le coup de la loi, c’est la responsabilité des médias qui l’ont embauché, soutenu, promu, encensé…

De deux choses l’une, soit ces médias (Mediapart, Libération, Télérama, Le Monde, Les InrocksFrance 2, France Inter…) ne savaient pas qui était Mehdi Meklat, et alors leur crédibilité est profondément mise en cause, soit ils le savaient mais ont fait comme si de rien n’était, ce qui pose des questions sur leurs intentions et sur la manière dont ils conçoivent leur rôle dans la restitution de ce qui est à l’oeuvre dans la société française.

D’autant, circonstance aggravante, que l’on peut constater ici le gouffre béant du deux poids deux mesures de donneurs de leçon professionnels en matière d’antiracisme et de lutte contre les discriminations. Car un jeune affilié au FN, par exemple, qui aurait commis ce genre de tweets aurait été instantanément, et à fort juste titre, cloué au pilori par ces médias, et se serait certainement retrouvé devant la justice.

On a même vu récemment en “une” des Inrocks, l’ancienne ministre de la justice, si sensible aux discriminations, poser fièrement à côté de l’auteur de ces tweets antisémites, homophobes, sexistes, injurieux… à l’occasion de la promotion de la sortie de son dernier livre, écrit avec son compère du Bondy Blog !

Les tentatives de défausse ou de défense produites aujourd’hui, entre l’excuse par l’humour et celle par le “jeu de rôle” sous anonymat, ne seraient que pathétiques si elles ne témoignaient pas de l’impunité ressentie par leurs auteurs, qu’il s’agisse de Mehdi Meklat ou de ceux qui l’ont soutenu. On notera d’ailleurs que sous le pseudonyme Marcelin Deschamps, Mehdi Meklat ne s’en prenait jamais (sous prétexte d’humour) qu’à certaines catégories de personnes, jamais à d’autres. Le parallèle tenté par certains de ses défenseurs avec l’humour parfois très limite de Charlie Hebdo ne tenant donc pas ici, car Charlie s’en prend à tout le monde, sans exception.

Des leçons doivent bien évidemment être tirées de cette affaire. La première, positive, étant que ces médias, qui ont joué consciemment ou inconsciemment le jeu de ce personnage comme ils le font volontiers avec d’autres entrepreneurs identitaires du même acabit présents tous les jours sur leurs antennes et dans leurs colonnes, auront désormais beaucoup plus de difficulté à venir nous faire la morale et nous expliquer qu’ils luttent de toutes leurs forces contre les discriminations et les stigmatisations. C’est à ces médias de tirer les enseignements de leurs erreurs en la matière ces dernières années, en donnant la parole, par exemple, à tous ceux qui combattent contre ces dérives identitaires, celles dont on a eu, cette fois, sous les yeux, une éclatante preuve de ce qu’elles peuvent produire.

Communiqué de Christiane Taubira publié sur Facebook ce lundi 20 février à 15 heures :

« Il y a beaucoup d’évidences dans cette affaire de tweets de Mehdi Meklat. A dire vrai, il n’y a même que cela. La première, c’est que les Inrocks n’auraient pas pris le risque de se compromettre. C’est un journal qui aime débattre, et même quereller les goûts artistiques, pas se salir. La deuxième, c’est qu’il ne leur serait pas venu à l’idée de me proposer cette rencontre s’ils avaient eu la moindre connaissance même d’un seul de ces tweets, car ils savent que sur ces sujets, il n’y a pas d’espace pour des débats. Ils savent aussi que rien ni dans mes propos, ni dans mon attitude, ni dans mes écrits, et ma vie est déjà longue, n’offre le plus mince interstice pour supposer l’ombre d’une complaisance sur de telles abjections. La troisième évidence c’est que ces propos creusent une consternation aussi vertigineuse qu’un cratère atomique. La quatrième c’est qu’il n’y a qu’une issue : la vérité et le cheminement. Et si c’était un jeu, il est trop pestilentiel et trop dangereux pour ne pas faire l’objet d’un examen rigoureux. J’ai rencontré Mehdi Meklat pour cet entretien, j’avais lu leurs deux livres. Je maintiens qu’ils sont bien écrits. Il y a quelque chose à purger. Il ne peut résider dans un même esprit la beauté et la profondeur d’une telle littérature et la hideur de telles pensées. Il faut purger, curer, cureter. Cela se fait plus aisément lorsqu’on n’est qu’au début d’une vie où il y a tant à faire.

Une chose à retenir : l’anonymat ne préserve jamais éternellement, et c’est une bonne nouvelle. Les réseaux sociaux ne sont pas un bunker. Pas durablement. »

Extraits de l’édito du directeur des Inrocks Pierre Siankowski publié le 20 février à 15h58, on peut en consulter l’intégralité sur les Inrocks.fr :

« N’y allons pas par quatre chemins, ne cherchons pas d’excuse : dans leur lecture pure et dure, et qu’ils aient été publiés sous un autre nom que le sien, ces tweets sont abominables, abjects, et certains pris comme tels sont tout simplement antisémites, racistes et homophobes. Rien à dire là-dessus. C’est extrêmement grave et choquant et on ne peut que condamner ces propos.

Avais-je, avions-nous, aux Inrockuptibles, connaissance de tout cela avant de donner la parole à Mehdi Meklat ? Aucun journal, aucun journaliste ne peut éplucher de A à Z les tweets de celui ou ceux sur qui il produit un sujet. Depuis le 17 février, certains – parfois entre deux insultes, et a posteriori – me demandent, comme à beaucoup d’autres directeurs de rédactions, de chaînes de radio ou de télévision qui ont donné la parole à Mehdi, comment j’ai pu tolérer sa présence dans les pages du journal. D’autres accusent carrément Les Inrockuptibles – à grand renfort de captures d’écran des tweets incriminés – d’avoir fait preuve de complaisance, voire d’une forme de complicité à l’égard de ces propos tenus par Mehdi Meklat. On s’étonne que ceux qui sont aujourd’hui si sûrs de leur jugement ne se soient pas exprimés avant puisqu’ils “savaient”, semble-t-il.

Que les choses soient très claires : jamais Les Inrockuptibles n’ont, tout au long de leur histoire, toléré au sein de leurs colonnes de propos antisémites, racistes ou homophobes. Depuis leur création, Les Inrockuptibles ont toujours combattu, avec détermination et engagement, l’antisémitisme, le racisme et l’homophobie. Nous n’avons à recevoir de leçons de personne, sur les réseaux sociaux comme ailleurs. Les Inrockuptibles ont encore moins à s’excuser, a posteriori, d’avoir publié des textes ou des propos de Mehdi Meklat antérieurs à la polémique qui entoure ses tweets. Relisez attentivement ces textes, ils sont tout simplement l’inverse de ce qui a été retrouvé sur son Twitter. Ce sont des textes beaux et puissants.

Les excuses qu’on attend de Mehdi Meklat à la suite de cette histoire se doivent de l’être tout autant. Justes aussi. Elles doivent explorer et éclaircir la part d’ombre qui sous-tend ses tweets honteux. Nombreux sont ceux, dont moi, dont ce journal, qui ont accordé leur confiance à Mehdi Meklat. C’est au nom de cette confiance que vient notre envie profonde de le voir se sortir dignement – c’est-à-dire sans nier ses fautes – de cette situation qui l’accable pour le moment. Le pardon existe. Il suffit de le demander, sincèrement. Tu en es plus que capable, Mehdi. »

 



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