Bien sûr que le populisme est un fourre-tout. Et qu’on aurait plus de mal à le définir sérieusement qu’à essayer de cerner la philosophie politique de Luc Besson. Ceux qui veulent supprimer tous les impôts ? Populistes ! Ceux qui veulent faire payer les riches? Populistes itou ! Y’a pas comme un problème, là ? On met dans le même sac d’opprobre ceux qui veulent rouvrir les maisons closes et ceux qui veulent criminaliser putes et clients, ceux qui pensent que les fonctionnaires sont tous des charançons et ceux qui exigent que l’Etat crée des emplois pour tous. Ceux qui pensent que l’immigration musulmane est mère de tous nos maux et ceux qui insinuent qu’on voit trop d’Arthur, d’Elie Semoun ou de Gad Elmaleh à la télé. Et ainsi de suite…
Bref, le populisme, contrairement au fascisme ou au naturisme, est une fiction. S’il existe, c’est essentiellement grâce à ses contempteurs. En conséquence de quoi l’antipopulisme est, lui, beaucoup plus facile à cerner. Et à abhorrer un brin, en en ce qui nous concerne. On s’explique.[access capability= »lire_inedits »]
Tout d’abord pour le mot : parler de « populisme » la bouche en cul-de-poule, c’est décréter que le peuple pue. Que le mot « populiste » ait remplacé le mot « démagogue » en dit long sur l’inconscient de nos éditorialistes favoris, et accessoirement sur leur statut social.
Ensuite pour l’usage : techniquement, pas de procès en populisme viable sans recours systématique à l’amalgame. Vous ne goûtez pas Murakami à Versailles ? Tiens, tiens… Le Pen aussi est archi-contre. Vous réclamez une loi contre la burqa, n’en pinceriez-vous pas pour Geert Wilders ? Vous critiquez le FMI ? Comme les complotistes, non ? Vous préférez Benny Hill à François Ozon ? Hum hum…
Le peuple n’a pas toujours tort
Enfin et surtout, nous supportons mal qu’on nous rabâche que tout ce qui en appelle au bon sens va forcément dans le mauvais sens. Le bon sens, pour mémoire, c’est grosso modo ce que pensent nos mamans ou nos cousins de province (pardon, de région). Ils sont donc populistes quand ils trouvent que, depuis l’euro, tout a augmenté. Que le pognon de la guerre en Afghanistan serait peut-être mieux employé pour relever le minimum vieillesse. Que les députés ne savent pas de quoi ils parlent quand ils causent pouvoir d’achat, retraites ou même radars. Ou bien que ça serait mieux que les mômes apprennent à lire et à écrire avant d’aller en sixième. On peut se contenter d’objecter que c’est plus compliqué que ça. Les mépriser et rester entre soi pour éviter d’être pollué par ce poujadisme moisi qui salit nos semelles. Voire changer le peuple quand les électeurs osent voter non à certains traités européens, alors qu’ils auraient dû dire oui, ces cons.
Nous, on préfère penser que, si le peuple n’a pas toujours raison, ce n’est pas pour autant qu’il a forcément tort.
On accuse couramment les supposés « populistes » d’abuser de l’argument du « Tous pourris ! ». C’est vrai que cette analyse de la classe politico-médiatique est un peu basse de plafond. Mais cette rengaine n’aurait aucun impact si nos élites ne prouvaient pas chaque jour que, pour elles, le peuple est tout pourri.[/access]
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