Depuis lundi matin, les rumeurs d’une capture d’Abubakar Shekau grandissent. L’homme serait encerclé avec des partisans dans la forêt de Sembisa au nord-est du Nigeria, dans l’État de Borno, pris au piège par un assaut coordonné des armées nigérianes et camerounaises. On évoque déjà sa reddition.
Daech or not Daech
Si l’information se confirmait, cela signifierait une victoire importante pour le président nigérian Buhari qui a promis la capture du leader djihadiste depuis son élection en mai 2015. Ce serait aussi une victoire symbolique pour les États-Unis et la France qui soutiennent activement le Nigeria depuis 2014, notamment dans le domaine du renseignement et du dronage.
Pourtant, la fin de Shekau ne signera pas celle de Boko Haram. En effet, depuis deux ans déjà des tensions internes ont été périodiquement relevées au sein de l’appareil dirigeant du groupe terroriste. Une partie de ses élites voulait s’affilier à Daech, ce que Shekau a consenti en septembre 2014, avant de se raviser et de suivre sa propre ligne djihadiste, frappant aveuglément les populations musulmanes du nord du pays et de l’État de Borno. Sans ligne directrice claire, justifiant son pouvoir par une ultra-violence de chaque instant, Shekau a progressivement perdu le contrôle de la secte. À plusieurs reprises entre 2015 et 2016, il a été mis sur la touche, avant de s’imposer à nouveau à la tête du groupe et de réapparaître dans des vidéos où il frisait le délire.
Trop brutal avec les musulmans
Pourtant, durant l’été 2016, Musab Al-Barnawi, un des leaders du groupe, est parvenu à l’écarter définitivement et à prendre la tête de Boko Haram. Dans son discours du 5 août, Al-Barnawi déclara que Shekau était devenu trop brutal avec les musulmans, qu’il avait fait des bénéfices personnels et qu’il s’était détourné de la lutte originelle du fondateur de la secte, Muhammad Yusuf, contre l’influence des chrétiens et de l’État fédéral. Et le nouveau leader de menacer de mort son rival écarté.
Depuis trois mois, Abubakar Shekau a vraisemblablement cherché à réorganiser ses fidèles contre Al-Barnawi, pour reprendre le pouvoir. En vain. Abandonné par la hiérarchie de la secte, il a poursuivi son combat, traqué par les troupes nigérianes, camerounaises et occidentales. Sa fin apaisera pendant quelques mois le front du jihadisme dans la région, avant qu’Al-Barnawi relance le dynamisme du groupe, une fois purgé et remotivé, et fasse retrouver à Boko Haram les éléments originaux de sa lutte contre l’influence occidentale. La chute de Shekau n’est donc qu’un répit.
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