1. Assécher le marécage politique !
Donald Trump, auquel un de ses conseillers suggérait pendant sa campagne électorale d’affirmer qu’il allait « assécher le marécage politique à Washington », a éclaté de rire : jamais il n’avait entendu un slogan tellement naze. Mais, pour s’amuser, et sans doute par défaut d’inspiration, il l’a utilisé dans un discours prononcé le 8 décembre à Des Moines, dans l’Iowa. À sa grande surprise, la foule s’est enflammée. Alors, confie-t-il, « j’ai commencé à le dire, comme si je le pensais vraiment ». Et c’est ainsi que les refrains populistes de sa campagne antisystème l’ont conduit à la Maison-Blanche.
À un journaliste qui lui rappelait qu’il avait promis d’ouvrir une enquête sur les e-mails d’Hillary Clinton et de la faire arrêter, il a répondu : « Avant l’élection, ça sonnait bien, maintenant tout le monde s’en fiche. » Une belle leçon de cynisme !
Il n’en reste pas moins que les slogans politiques en disent long sur celui qui les adopte. Des spécialistes ont ainsi passé à la loupe les formules toutes faites des candidats français à l’Élysée. Ils arrivent à la conclusion que presque toutes sont molles, louches ou creuses. Quelques exemples :
1. Benoît Hamon : « Faire battre le cœur de la France. » Raté, commente Olivier Kennedy. De quoi parle-t-il : on est dans la romance ou dans le domaine médical ? Avec deux verbes à l’infinitif, le résultat est lourd et le message parfaitement creux.
2. Emmanuel Macron : « En Marche. » Encore raté. En marche pour aller où et comment ? Une pub pour le tourisme pédestre ou un fitness ? Mieux vaut oublier !
3. Manuel Valls : « Faire gagner tout ce qui nous rassemble. » Incompréhensible. Ce slogan a déclenché l’hilarité. Au point que Valls s’est rabattu sur un cliché à la portée de chacun : « Une République forte. Une France juste. »
4. Arnaud Montebourg : « Libérer les Français. » Une noble ambition. Mais les libérer de quoi ? « De son propre parti qui est au gouvernement depuis cinq ans ? » ironise Olivier Kennedy.
5. Jean-Luc Mélenchon : « L’avenir en commun. » On ne peut pas faire plus vieillot pour un personnage plutôt punchy !
6. Marine Le Pen parle « Au nom du peuple », ce qui lui sied, et François Fillon, non sans arrogance, s’accapare « Le courage de la vérité ».
Arrêtons ici ce jeu de massacre ! Mais, s’il fallait parier sur un candidat, je n’hésiterais pas : ce serait[access capability= »lire_inedits »] Marine Le Pen. Elle a compris la stratégie de Donald Trump et, sans doute, a-t-elle perçu que les Français souhaitent, eux aussi, assécher le marécage politique des prétendues élites françaises. Contrairement à Fillon, elle n’a rien à perdre. Et quelle formidable revanche sur son père ce serait ! Parvenir à effacer l’ignominie attachée à son nom lui donnera peut-être l’énergie indispensable à toute victoire. Et comme une majorité de Français estiment à juste titre que leur pays ne peut pas tomber plus bas, pourquoi pas le chaos ?
2. La boubourisation du monde
Un retournement à vaste échelle est en train de se produire. Les bobos ont perdu la main et, comme la nature a horreur du vide, les boubours opèrent un putsch. Comme Trump ou Poutine, le boubour bombe le torse et proclame que le « politiquement correct » est responsable de tous les maux. François Fillon, sans excès, incarne le boubour en France après avoir, toujours sans excès, tenu le rôle du catho libéral. Il a compris qu’il ne fallait pas être antibobo, mais post-bobo. Il affiche son amitié avec Poutine, mais ne vomit pas – pas encore ? – le multiculturalisme, l’égalité des sexes et l’immigration musulmane. C’est un boubour discret et élégant. Marine Le Pen séduit les vrais boubours. Ils se recrutent aussi bien à gauche qu’à droite, percevant instinctivement que le vent a tourné, que l’utopie européiste est passée de mode et que le monde musulman ne nous veut pas nécessairement du bien. La prochaine élection présidentielle va se jouer entre bobos et boubours. On peut prédire qu’elle sera sanglante.
3. Le paternalisme germanique
Frank Meyer, spécialiste de l’Allemagne, s’étonne et s’inquiète de la véritable fureur éducative relevant du paternalisme pur et simple d’Angela Merkel. Les migrants sont devenus le nouveau prolétariat de la gauche. Et d’une certaine manière aussi le bon sauvage de Rousseau. Une posture colonialiste. Comme l’essayiste Michael Klonovsky, l’équivalent de Zemmour en Allemagne, interrogé par Daoud Boughezala dans Causeur (janvier 2017), il considère l’ouverture des frontières comme une forme de suicide collectif et dresse un bilan intégralement négatif de la politique migratoire de Merkel. Le rêve a tourné au cauchemar. Le temps des bobos s’achève. Celui des bourrins ne vaudra sans doute guère mieux. Mais tout est préférable à l’immobilisme décérébrant des bonnes âmes. Asséchons donc le marécage politique ![/access]
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