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Osons le bob!

Les plaisirs coupables de Thomas Morales (4/9)


Osons le bob!
"Las Vegas Parano", un film de Terry Gilliam.

Le bob se glisse dans la poche de votre bermuda ou dans votre cabas. En toutes circonstances, il garde sa forme informe, son inimitable froissé. 


 

Pour les hommes, le choix du couvre-chef en dit long sur leur psychologie profonde. Sur une certaine façon d’appréhender la vie en société. Sur une manière de draguer et même de penser. Des modes viennent parfois parasiter les élégances usuelles. Ces dernières années, le panama s’est imposé comme le nouvel accessoire masculin de l’été, un attribut de la virilité urbaine au même titre que la barbe de trois jours et les sneakers au pied. Un étendard grégaire et passe-partout. Une panoplie servile et transparente. Le panama a le même effet que le soutien-gorge pigeonnant, il trahit les vrais sentiments.

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Au lieu de distinguer, cet ersatz relègue son propriétaire dans une zone nuageuse, à la limite du ringard et du risible. Le vendeur de téléphonie le porte en espérant se faire passer pour un propriétaire terrien. Le professeur de collège singe le marquis de Vargas Llosa. Et le député En marche se prend pour sir Winston Churchill. La pampa se mue en Bérézina. C’est dire si l’usurpation d’identité est ratée. Panama, casquette, melon ou béret, l’habit ne fait pas l’idoine. Tout le monde veut avoir l’air de ce qu’il n’est pas. Le bourgeois se grime en poulbot. La caillera en Julio Iglesias. L’intello en métallo. La peur du conformisme aboutit à une uniformité des genres et des pratiques. Un jeu de rôles qui ne dupe personne mais a l’avantage de distraire sur la plage ou au bal du 14 juillet. Les colonnes de retraités en panama amusent autant que les pétards mouillés, le soir du feu d’artifice. En vacances, évitez donc les déguisements tropicaux pour les marchés bio.

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Ne poussez pas la panoplie du commerce équitable jusqu’à la caricature. Los gringos, no pasáran ! Laissez ces colifichets aux Sud-Américains et préférez un retour aux sources. Pensez français ! Buvez local ! Les alcools exotiques et les bikinis riquiquis tournent la tête. Misez plutôt sur le bob Ricard ! Comble du snobisme, il fera de vous une personne responsable qui ne rejette pas en bloc la tradition de l’apéro et de la pétanque. Et qui tient à le faire savoir. Affirmation suprême du pittoresque mauresque, ce fichu provençal, voile balnéaire ouvert sur les cultures du monde, est un message de paix. Les ouvriers du bâtiment l’ont adopté depuis longtemps. Lusitaniens ou maghrébins, ils savent ce qu’ils doivent au bob dans leur intégration. Bob ou laïcité, même combat républicain. Qu’attend l’humaniste Patrick Sébastien pour déclarer sa flamme à ce symbole de la fraternité ? Un hymne païen lui irait comme un gant.

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En dehors de son côté pratique, pliable à l’envi, modulable comme un monospace sept places, il se glisse dans la poche de votre bermuda ou dans votre cabas. En toutes circonstances, il garde sa forme informe, son inimitable froissé. Il n’est pas démodé car son intemporalité le range parmi les classiques de l’été. Il y a en lui une insoupçonnable langueur érotique. Il transgresse les classes sociales. Son œcuménisme dérange. Par principe, certains refusent de l’essayer, peur du ridicule ou soumission à une société de l’image. Le bob demande du courage et de l’abandon. Pourtant dès que vous l’avez installé sur le sommet de votre tête, il la moule à la perfection, il s’accommode de toutes les coupes de cheveux. Aussi à l’aise avec le chauve que le rasta, il surmonte tous les handicaps capillaires. Ce caméléon ne craint aucune particularité physique.

Avec lui, vous redevenez désirable, tout en conservant une part de mystère. Vous vous transformez en inconnu des buvettes. Tantôt mystique ou étrange, il complète une tenue avec cette touche d’indéfinissable charme français. En short ou en smoking, il surprendra. À Cannes ou Palavas, il séduira. Les jeunes femmes loueront votre audace et votre sens de l’humour. Elles ne sauront dans quelle case vous ranger. Un garçon qui s’affiche en bob avance sans œillères. Il se moque du qu’en-dira-t-on, il protège seulement son crâne en laissant sa personnalité s’exprimer.

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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