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Les «Blouses blanches pour Gaza»: pas bien claires!

Le collectif jure seulement vouloir défendre les Gazaouis et les humanitaires en zone de guerre, mais il a de bien curieuses fréquentations


Les «Blouses blanches pour Gaza»: pas bien claires!
De gauche à droite, Omar Alsoumi, Sébastien Wildemann et Élias d’Imzalène. Réseaux sociaux.

L’entrisme et le séparatisme islamistes à l’hôpital progressent. Enquête sur le « Collectif des Blouses Blanches pour Gaza », la nouvelle alliance des soignants et des Frères Musulmans.


Le mercredi 3 juillet 2024, le parvis du Sacré-Cœur de Montmartre est occupé par un rassemblement de soignants revêtus de blouses médicales et de keffiehs. C’est le « Collectif des Blouses Blanches pour Gaza » (BBG pour les intimes) qui manifeste.

Ce phénomène est inédit à plus d’un titre : dans un pied-de-nez à l’Église de France, des soignants choisissent d’occuper l’esplanade d’un lieu de culte catholique. Ils descendent dans la rue, non pas pour alerter l’opinion publique sur la condition de nos hôpitaux, mais pour s’exprimer politiquement sur un conflit qui se joue à 3000 kilomètres de la France. Jamais des blouses blanches ne sont descendues manifester pour les victimes de la guerre du Kosovo, de l’Arménie ou du Congo… mais passons. Enfin, face au micro du média turc TRT, ces mêmes soignants sortent du principe de neutralité de la fonction publique, et revendiquent être également venus « pour faire barrage à l’extrême-droite »[1]. Quelle analyse tirer de ce gloubi-boulga idéologique ?

La création de ce collectif répond à des critères parfaitement légaux, et il nous apparaît légitime que des soignants puissent s’émouvoir de la condition de blessés de guerre ou des difficultés d’exercice du personnel médical humanitaire. À notre tour, nous sommes dans le droit de nous interroger sur l’objectif réel des BBG et d’analyser leurs discours. Nous avons décidé de participer à leurs manifestations dans le but de côtoyer leurs membres et d’écouter leurs revendications. Quel est le vrai message porté par les « Blouses Blanches pour Gaza » ?

Chez les BBG, le fréro-salafisme est administré en perfusion

Le collectif des BBG s’est constitué au lendemain de la riposte israélienne sur la bande de Gaza, à la suite de l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre. L’opacité règne sur les membres fondateurs de ce collectif : à peine sait-on que plusieurs soignants proviennent de l’entité PalMed (un réseau de soignants issus des Frères Musulmans[2]) ; que leur canal de discussion est un groupe interne WhatsApp (« Il ne faudrait pas que la police tombe dessus, car il y aurait de quoi nous faire tomber » s’inquiète un membre des BBG, quelques semaines avant l’arrestation d’Imane Maarifi[3]) ; et que leur seule vitrine est un compte Instagram tenu par la fille d’un des médecins du collectif, étudiante en communication.

Si les membres des BBG privilégient l’anonymat, dans une stratégie de dissimulation, dans les manifestations pro-palestiniennes, deux infirmiers s’expriment en revanche publiquement et de façon récurrente au micro d’Euro-Palestine ou d’Urgence-Palestine : Sébastien Wildemann, ex-infirmier libéral et actuel directeur des soins dans une antenne de soins à domicile d’Île-de-France ; mais, surtout, Imane Maarifi, infirmière libérale à Plaisir (78). Elle se revendique comme infirmière du réseau frériste PalMed et membre active des BBG.

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Le 5 septembre, le député LFI Thomas Portes annonce sur X qu’Imane Maarifi vient d’être arrêtée à son domicile pour faire l’objet d’une garde-à-vue[4]. Relâchée dès l’après-midi, elle brandit un drapeau palestinien dans une posture victorieuse et s’exprime en story sur Instagram, en s’assurant que le commissariat soit filmé en arrière-plan. Imane Maarifi nous apprend qu’elle aurait été placée en garde-à-vue pour avoir menacé de mort des Juifs – les propriétaires des Salons Hoche (Paris 8ème), dont les lieux accueillaient un salon de l’immobilier israélien – et se réjouit que les charges aient été abandonnées, ayant pu prouver sa bonne foi. Depuis sa convocation, Imane Maarifi est célébrée comme une héroïne de guerre. Invitée sur les médias pro-palestiniens (Le Media, Paroles d’Honneur etc.), elle livre les détails de sa convocation. Nous y apprenons que les Salons Hoche auraient reçu près de 300 appels de menaces et d’apologie du terrorisme (« On va vous faire comme le Bataclan ») et que le contenu du téléphone d’Imane Maarifi serait en cours d’analyse (« Ils ont extrait ce qu’ils avaient à extraire », relate-t-elle platement. Dont le groupe WhatsApp des BBG, s’interroge-t-on ?). Enfin, Imane Maarifi s’épanche longuement sur son douloureux vécu de mère courage. Au cours de son interrogatoire, elle affirme avoir été heurtée par des questions autour de ses enfants (« Ils m’ont demandé, qu’est-ce que j’explique à mes enfants sur mon militantisme ? Qu’est-ce que je leur dis sur ce qui se passe à Gaza ? Je leur ai dit, je ne comprends pas le lien »[5]). Le lien est pourtant simple : en évoluant dans un milieu fréro-salafiste tel que celui d’Urgence Palestine, Imane Maarifi – ainsi que les autres membres des BBG – ne risque-t-elle pas de se radicaliser et d’exposer ses enfants mineurs à cette même idéologie ?

Imane Maarifi

L’étroitesse des liens entre les BBG et Urgence Palestine

Le collectif d’Urgence Palestine s’est créé, lui aussi, à la suite du 7 octobre. En se baladant sur leur site, on y découvre parmi leurs principales revendications : « Cessez-le-feu et fin du blocus immédiats », « La fin de la colonisation, de l’occupation et de l’apartheid », « Boycott, désinvestissement, sanctions contre Israël », « Soutien à la résistance du peuple Palestinien ». Nous sommes donc bien loin des aspirations supposées médicales des BBG. Pourtant, ces derniers ont un lien très fort avec ce collectif et principalement avec son leader, Omar Alsoumi, qui était à leurs côtés lors d’un rassemblement le 8 septembre sur la Place de la Nation, pour le retour du Drapeau de la Libération. De quelle libération parle-t-on ? Pas de celle des Gazaouis sous la coupe de l’organisation terroriste du Hamas. Ni de celles des otages israéliens. Depuis son départ de la Place de la République à Paris le 14 août, le drapeau palestinien en question traverse des grandes villes de France (Lyon, Marseille, Bordeaux, Strasbourg…) pour appeler à la libération de la Palestine de l’Etat sioniste !

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Omar Alsoumi est né d’un père palestinien, diplômé de Sciences-Po, porte-parole de PYM (Palestian Youth Movement) : mouvement affilé au FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine), classé depuis plus de vingt ans sur la liste des organisations terroristes par l’Union Européenne. Omar Alsoumi est également le fondateur de « Boussole Palestine » qui, entre autres, fait pression pour le port de l’abaya à l’école. Il était présent à la marche du 8 mars pour la journée internationale des Droits des Femmes, au cours de laquelle les femmes du collectif « Nous Vivrons » ne furent pas les bienvenues et se retrouvèrent bousculées, huées et insultées par les activistes du collectif Urgence Palestine : « Sales putes ! », « Sionistes, fascistes, vous n’êtes pas féministes » ! On a compris ce jour-là que nos BBG, dont la majorité est pourtant composée de femmes, pouvaient apparemment frayer avec des individus ayant une conception bien particulière de la cause féminine et du viol, selon que l’on soit juive ou palestinienne.

Notre enquête nous a également amené à croiser sur les publications Instagram des BBG une figure incontournable du salafisme : le Frère Élias d’Imzalène (Eli Yess Zareli, de son vrai nom), également membre actif d’Urgence Palestine. Cheveux longs souvent attachés, barbe fournie, dominant de sa hauteur la foule, Élias d’Imzalène a un sacré CV. Fiché S par les services de renseignements, prédicateur salafiste à la mosquée de Torcy – fermée en 2017 – où il appelait les fidèles à arrêter d’être « des Français légalistes, républicains et patriotes », fondateur du média « Islam et Info », co-organisateur de la Marche contre l’islamophobie en 2019 au cours de laquelle la foule avait scandé « Allah Akbar » devant le Bataclan, on a pu l’apercevoir proche de membres de La France Insoumise comme Thomas Portes, Rima Hassan, ou Ersilia Soudais, en conférence ou en manifestation. Gardons le meilleur pour la fin : dimanche 8 septembre – le fameux jour du retour du Drapeau de la Libération – il lance carrément un appel à mener l’« Intifada » (« Révolte ») : « Est-ce qu’on est prêts à mener l’Intifada dans Paris ? Pour nos banlieues, dans nos quartiers, pour leur montrer que la voie de la libération vient de nous. Qu’elle démarre de Paris, qu’elle passera par Marseille ». Ce même jour, nous le voyons remettre le drapeau palestinien à une soignante des BBG. Elle-même le remettra à Rima Hassan, la députée européenne qui avait participé le 16 août à une manifestation à Amman, en Jordanie, dans laquelle des manifestants portaient le bandeau vert de l’organisation terroriste et brandissaient des pancartes rendant hommage au chef politique du Hamas, Ismaël Haniyeh, tué le 31 juillet à Téhéran.


Si Urgence Palestine a tout du réseau pro-Hamas, qui réunit à la fois antisémites et islamistes, qu’en est-il alors des BBG ? Nos Blouses Blanches ont des étranges fréquentations – Élias d’Imzalène, Omar Alsouni, Rima Hassan – qui ne peuvent que nous interroger sur la vraie nature de leurs revendications.

Si tu suis l’Esprit Soumoud, les fers à lisser et Freud tu boudes !

Dans un live diffusé en août sur le compte Instagram des BBG, Imane Maarifi présente le podcast « Esprit Soumoud ». Ce podcast présente le travail de deux psychologues voilées et membres des BBG : Najat Najari-Balhag et Ismahene Laidaoui. Abdelghani Boudik, créateur du podcast « Ramadan », s’occupe de la technique. Par le passé, Ismahene Laidaoui est intervenue à l’Institut D’Clic de Bobigny, fief du salafiste Nader Abou Anas, lui-même disciple d’Yves Leseur, aujourd’hui appelé Cheikh Ayoub, Français converti au Pakistan et figure de proue du salafisme français[6]. Le podcast d’« Esprit Soumoud » est la mise en lumière de l’UESCP des BBG, à savoir l’Unité d’Écoute de la Souffrance Coloniale en Palestine.

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Au micro d’« Esprit Soumoud »[7], les deux psychologues rejettent « le fantasme de la neutralité du psychologue » et appellent leurs confrères à une posture militante « avant-gardiste et anticoloniale ». La lutte de Najat Najari-Balhag et d’Ismahene Laidaoui tient de ce qu’elles appellent « la décolonisation des esprits », car – en s’appuyant sur leur propre interprétation du livre de Frantz Fanon, les Damnés de la Terre – elles estiment que la santé mentale ne peut être dissociée du combat politique. L’une d’entre elles, issue d’une famille militante du FLN, explique la continuité qu’elle voit entre la guerre d’indépendance algérienne et celle qui se déroule sur la bande de Gaza. Dans une posture de rejet de toute influence coloniale, les deux femmes expliquent avoir arrêté de se lisser les cheveux (cette pratique étant perçue comme un « signe de beauté caucasienne » : « Je me blanchisais dans mon identité », dit l’une d’elle), revendiquent le port du voile (verbalisé comme un outil de lutte contre l’assimilation française), le retour à la religion, la lutte contre les violences policières et le port de signes distinctifs pro-palestiniens, tels que la pastèque ou le keffieh. À leurs patients pro-palestiniens, elles se présentent « comme une alliée » ; de leur identité, elles affirment qu’elle est « arabo-musulmane » ; de leur difficulté à porter le voile dans la fonction publique, elles se disent « salies par un extérieur qui a tort ». Plus inquiétant, elles remettent en question leur socle de formation universitaire (« La psychologie clinique, la psychanalyse, les concepts tels que le complexe d’Œdipe, ça ne pouvait pas faire sens avec ma culture ») ; elles rejettent les théories de Freud, vues comme une lecture occidentale de l’esprit qui ne concernerait pas la psyché et donc les problématiques des patients de culture arabo-musulmane. Elles concluent : « La colonisation des esprits, c’est nier les différences de cultures comme d’autres nient la différence des couleurs ». Placé sous de tels auspices, l’avenir de la santé mentale en France s’annonce préoccupant.

Imane Maarifi et Ismahene Laidaoui

Les BBG sous tension : la crainte de l’AMIF

L’AMIF. L’Association des Médecins Israélites de France. Ces quatre lettres reviennent en boucle dans les rangs des membres des BBG. Lorsqu’elles sont évoquées dans les manifestations pro-palestiniennes, les nuques se raidissent, et le ton monte. Pour nos militants, le projet est clair : pour pouvoir perdurer, l’objectif premier est d’abattre l’AMIF. Pourquoi ?

Depuis le 7 octobre, des soignants pro-palestiniens peuvent faire la propagande de leurs opinions antisionistes sur les réseaux sociaux. Ces dérives sont signalées à l’AMIF, qui porte plainte et envoie les brebis galeuses au Conseil de l’Ordre pour y être sanctionnées. Depuis, la menace que représente l’AMIF est prise très au sérieux, et les BBG ont donc décidé d’agir. On tente d’approcher des membres du Conseil de l’Ordre pour adoucir la situation, valoriser l’engagement pro-palestinien, expliquer que les Gazaouis sont des victimes et les Israéliens des génocidaires… Une tentative d’influence courtoise, toujours avec sourire et bienveillance, bien sûr. Rappelons que les Facultés de Médecine sont déjà prises d’assaut par un syndicat frériste[8], l’OMAS, qui s’évertue à placer ses pions sous la forme d’étudiants radicalisés. Plus que jamais, le Conseil de l’Ordre doit donc rester vigilant pour ne pas basculer, lui aussi, sous l’influence des Frères Musulmans ou de soignants acquis à la cause du Hamas. Une chose est sûre : avec l’augmentation croissante des propos antisionistes voire antisémites dans le corps (para)médical, la lutte ne fait que commencer. Et la Chambre Disciplinaire du Conseil de l’Ordre risque bien de devoir recruter…

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[1] TRT. « Le Sacré-Coeur s’illumine pour Gaza », https://www.youtube.com/watch?v=KPcDlv41C5M

[2] « Islamist Organizations », https://jcpa.org/the-spiders-web/chapter-i-delegitimization-in-germany/islamist-organizations/

[3] Chartrain, Olivier. « Veut-on faire taire Imane Maarifi, l’infirmière qui a témoigné de l’enfer de Gaza ? », L’Humanité https://www.humanite.fr/societe/femme-du-jour/veut-on-faire-taire-imane-maarifi-linfirmiere-qui-a-temoigne-de-lenfer-de-gaza

[4] https://x.com/Portes_Thomas/status/1831582833716162693

[5] Frank Barat. « Imane Maarifi raconte sa garde-à-vue », Youtube. https://www.youtube.com/watch?v=QfH7VHl-6t0&ab_channel=FrankBarat

[6] Sauvaget, Bernadette. « Des salafistes made in France », L’Express. https://www.lexpress.fr/societe/religion/des-salafistes-made-in-france_1839960.html

[7] Blouses Blanches pour Gaza, « Esprit Soumoud ». Podcast disponible sur Spotify et Deezer, débuté le 5 août 2024.

[8]  Cornevin, Christophe et Chichizola, Jean. « Les nombreux défis du patron du renseignement territorial », Le Figaro, https://www.lefigaro.fr/actualite-france/islamisme-ultragauche-ecologie-radicale-les-nombreux-defis-du-patron-du-renseignement-territorial-20240530



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