« Cachez ces blonds que je ne saurais voir » : ce sont les propos, à peine déguisés, des militants du Front de Gauche de la région de Bollène qui s’émeuvent qu’une petite fille à la chevelure trop claire figure sur le plan de la ville fabriqué par le conseil municipal (de la Ligue du Sud, bien sûr).
« Une honte pour notre ville et pour tous les enfants issus de l’immigration dont les parents sont venus construire le canal ou la centrale de Tricastin », a (vraiment) dénoncé Serge Fiori, représentant bollénois du PCF et du Front de Gauche, dans La Provence du 15 Juin 2012.
Cette chère tête blonde est, il est vrai, une insulte à tous les enfants d’immigrés qui, comme chacun sait, sont les seuls à avoir construit la ville et tout ce qui l’entoure. D’ailleurs, on se demande encore comment vivaient les Cro-Magnon au poil furfuracé avant l’arrivée de ces immigrés à la chevelure de jais il y a quarante ans. On note aussi du même coup cette vérité oubliée que l’immigré n’est par principe jamais blond.
J’avoue que je n’ai pas de chance : doué d’une couleur châtain relativement passe-partout, j’avais pris soin de choisir une femme très brune, et patatras : mes trois enfants sont nés blonds. Si leur génitrice ne jouissait de toute ma confiance, il faudrait certainement que j’ouvre une enquête en ADN. Mais surtout, après réflexion, il faudrait que je maudisse mes crapuleux aïeux qui ont eu le mauvais goût pour certains de naître en Bretagne et en Picardie où, mille fois hélas, on s’est longtemps abandonné à la perversion languide de la blondeur. La faute à l’absence de soleil, sans doute. Nous sommes des dégénérés, je l’avoue aussi, victimes complaisantes d’une dépigmentation progressive de la peau et de la pilosité. Nous plaidons coupable. Mais hélas, cela ne suffit pas : ce défi jeté à la face de la terre, cette morgue de la pâleur contente d’elle-même parce qu’exclusive, combien de générations devrons-nous encore en subir les funestes conséquences malgré nous ? Où cacherai-je mes enfants ? Quel boulot trouveront-ils à l’âge adulte ?
Pourquoi mon salaud de père est-il tombé amoureux d’une Corse qui avait les yeux pers et non très noirs, comme toute méditerranéenne qui se respecte ? Pourquoi moi-même n’ai-je pas convolé avec une Japonaise ou une aborigène aux allèles sombres dominants ? Hélas, trois hélas. Est-ce que cela aurait suffi ? Les traîtres kabyles, les séfarades aussi, sont parfois contaminés par les gènes bleus, verts, blonds et roux. Hélas encore, j’apprends que sainte Michelle Obama elle-même descendrait d’un bisaïeul propriétaire d’esclaves noirs : si je me reproduisais avec elle, la damnation aurait-elle aussi des chances de se reproduire, et le fruit de nos amours provoquerait une nouvelle fois l’ire de nos amis du Front de Gauche. Comment faut-il faire ? A qui se fier ? Je vous le demande.
J’entends encore le président du CRAN[1. Conseil représentatif des associations noires de France.], ce bon Louis-Georges Tin qui, si j’en crois mes yeux, et surtout si mon cerveau ose penser ce qu’il voit, n’est pas tout à fait un mélanoderme de souche mais plutôt un métis de bonne race, expliquer au majoritaire visible Ménard qu’il faut désormais décompter les élus de la République selon leur couleur de peau. Je me sens humilié : parce que Tin est un blond qui a réussi, il me renvoie sans vergogne à ma défaite. Une pensée perverse traverse un instant mon esprit : que Tin se cogne à son tour des enfants blonds, ou pire, aux yeux bleus. Une pensée que j’écarte rapidement quand je me souviens que Tin non content d’avoir remporté avec brio son permis de métissage, double sa chance en ayant choisi l’homosexualité. Trop facile pour lui, le cador : il lui suffira d’adopter un Nigérien cueilli dans un village perdu où jamais le blanc, le blond, le bleu n’ont mis les pieds, et la fatalité n’aura plus qu’à rentrer chez elle.
Je suis un vaincu, et Louis-Georges Tin ne se prive pas de me le faire sentir. Il ne me reste plus qu’à fonder avec quelques autres égarés le Comité Représentatif des Parents d’Enfants Blonds, ce qui malheureusement, en sus de tout, donnera un acronyme imprononçable.
Je suis un vaincu, vous le voyez bien.
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