Quand les jolies blondes donnaient aux comédies populaires françaises cette inimitable touche d’érotisme… Olivia Dutron, Élisa Servier et Catherine Alric furent nos « Marianne » de l’été…
Nous n’avons pas attendu l’arrivée de « Barbie » pour découvrir les vertus émancipatrices de la blonde faussement ingénue sur le divertissement populaire. La comédie française fut leur terrain d’expression favori durant les années 1970/1980. Nous les attendions fébrilement. Nous les chérissions. Leur seule présence était un coup de sirocco, une vague de chaleur qui faisait céder toutes les pudibonderies sans pour autant outrager les mères de famille installées devant leur poste de télé. Elles apportaient à un film parfois poussif à l’humour troupier, une touche de distinction poétique et d’érotisme partageur, celui des copains. Car, en France, on peut se montrer seins nus sur une plage varoise sans pervertir la bonne morale, tout en conservant sa dignité et en s’amusant de son physique avantageux. Ne croyez pas que ces blondes étaient moquées, au contraire, nous louions leur sens du ridicule et de l’exagération, elles acceptaient la nudité et le second degré.
Elles prenaient le risque de se déconsidérer aux yeux des réalisateurs imbéciles, trop barbants et imbus d’eux-mêmes, incapables de voir dans leur jeu délié une forme de grâce et d’abandon. Ces actrices-là avaient le courage de ne pas sombrer dans le faux et l’évanescent ce qui leur aurait certainement ouvert les portes d’un cinéma plus « sérieux » et « distingué ». Il en faut de la force psychologique pour résister aux sirènes du plombant et du larmoyant. L’appel du triste a fait tant de ravages dans les cours d’art dramatique. Ces blondes-là étaient des résistantes à leur manière, elles s’amusaient de leur plastique harmonieuse et parfois, comme un clin d’œil à leur public, elles laissaient filtrer une émotion que bien peu de tragédiennes étaient en mesure d’atteindre. Elles incarnaient ce qui fut longtemps notre marque de fabrique à l’étranger, notre esprit décorseté mâtiné d’un romantisme balnéaire, notre fierté nationale en somme. Ce paradoxe français que tant de nations nous enviaient jadis, qui faisait rimer marivaudage et libertinage, est aujourd’hui attaqué, méprisé, sali par un vent d’aigreur venu d’Amérique. Les blondes de ce cinéma léger et primesautier, à la limite du burlesque, ne posaient pas en victimes du système. Elles ne quémandaient pas l’aumône du public, elles ne cherchaient pas à décrocher une critique pour leur citoyenneté exacerbée. Elles acceptaient leur rôle ! Elles réussissaient même à montrer l’étendue de leur talent, notamment leur vis comica, avec comme seule tenue, un maillot de bain étique ou une cotonnade moulante.
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En ce temps-là, le tee-shirt mouillé accompagnait nos vacances. Pourquoi leur souvenir est-il resté si marquant ? Parce que leur beauté, leur diction, leur détachement, leur immense liberté sonnent comme un requiem dans une époque dogmatique qui ne sait plus rire de rien, qui prend tout au tragique et au compassionnel, qui ne s’offre même plus un espace de détente joyeuse. Alors, quand l’été arrive à son zénith, on pense à elles, on les encense. Elles s’appellent Olivia, Élisa ou Catherine. On se permet de les appeler par leur prénom, non par excès de familiarité, mais par tendresse. Elles ont modelé notre image de la française piquante et marrante, à la peau soyeuse et à la répartie fracassante, elles viennent de très loin, déjà Molière les avait croquées dans son théâtre.
Je me souviens d’une blonde douce et rieuse vue chez Max Pécas, alternant entre la frisure et la queue de cheval, en bikini ou en blouse blanche entrouverte, s’aventurant sur scène dans la farce boulevardière aux côtés de Jean Lefebvre ou de Michel Roux, et toujours perché dans les aigus. Très haut. Olivia Dutron est un mirage de la Côte d’Azur, une poupée aux yeux clairs, pétillante et affranchie, qui vient rompre la monotonie des vacances en famille. Une image d’Epinal qui serre le cœur quand il faudra retourner à l’école, en septembre. Dans les tons plus rocailleux, cette fois-ci chez Pascal Thomas, loin de Méditerranée, à l’intérieur des terres, dans la Drôme, je me souviens d’Élisa Servier et de sa moue insolente. Et puis, j’ai cette vision qui ne me quitte plus, celle de Catherine Alric, chez Philippe de Broca, pédalant sur un mini-vélo, en jupette de tennis blanche et capeline assortie, dans une résidence huppée, avec cette classe et cette décontraction que les César devraient honorer. Olivia, Élisa et Catherine me manquent, je les ai aimées à vingt ans. Je rêve de les voir encore tourner.
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