Après les GAFA, de grands groupes industriels soutiennent le mouvement Black Lives Matter. Les réseaux sociaux et les multinationales font cause commune avec ce mouvement racialiste à la mode. Une analyse de Caroline Valentin et Yves Mamou.
Que penser de Mercedes qui lutte contre le racisme en repeignant en noir ses monoplaces pour la saison prochaine de Formule 1 ? Que penser de l’Oréal qui renonce à l’utilisation des mots « blanc » et « blanchissement » pour tous les produits qui servent précisément à blanchir la peau ? Bref, que penser de ce vent d’antiracisme qui souffle sur les multinationales ? Tous les secteurs sont concernés : l’agroalimentaire, avec la disparition du grand-papa noir Uncle Ben’s, le cinéma avec le retrait par HBO de la vidéo d’« Autant en emporte le vent », la distribution avec Amazon qui soutient Black Lives Matter (BLM)… etc.
Que des marques mondiales surfent sur des thèmes sociétaux – déforestation, travail des enfants, développement durable – pour promouvoir leur produits ou leur image n’a rien de nouveau. Mais en endossant l’idéologie antiraciste, c’est un combat politique qu’elles ont décidé de mener.
Les réseaux sociaux contraints de sortir de la neutralité
L’affaire Twitter-Trump-Facebook est particulièrement éloquente à cet égard. Le 26 mai Twitter a censuré un tweet de Donald Trump dans lequel ce dernier exprimait ses craintes que le vote par correspondance génère des fraudes électorales massives (en sa défaveur).
Hostiles au « populisme » de Donald Trump qui arrête l’immigration et oblige les entreprises américaines à quitter la Chine pour se recentrer sur le sol des États-Unis, l’élite économique et financière américaine aurait-elle envie d’enrayer le processus en cours ?
Quelques jours plus tard, le meurtre de George Floyd par un policier blanc a déclenché des émeutes à Minneapolis, qui ont amené le président américain à lancer un avertissement aux émeutiers. « Les pillages seront immédiatement accueillis par des balles » (« looting », « shooting »). Considérant que Donald Trump venait de déclarer sa « haine » à la communauté noire, Twitter a censuré le message présidentiel.
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Tous les regards se sont alors tournés vers Facebook. Le réseau social géant riche de deux milliards d’internautes allait-il suivre Twitter et censurer les messages – les mêmes que sur Twitter – de Donald Trump ? Visiblement gêné, Mark Zuckerberg a décidé de ne pas censurer Donald Trump.
S’est alors enclenchée une incroyable réaction en chaîne. Sous la pression des associations antiracistes américaines (NAACP notamment), les très grands annonceurs de Facebook (Unilever, Levi’s, Coca-Cola, Starbucks, Adidas, Procter & Gamble, Apple et bien d’autres) ont bloqué leurs budgets publicitaires sur le site. Pas un jour ne passe sans que cette liste des entreprises qui boycottent Facebook ne s’allonge.
Mais à travers Facebook, c’est Donald Trump qui est visé. Le président américain tire sa force des relations directes qu’il entretient avec son électorat à travers les réseaux sociaux (Twitter et Facebook principalement, mais aussi Reddit, Snapchat, Viber…). Au cœur de la campagne électorale américaine, les grandes entreprises américaines tentent donc d’inciter Facebook à couper Donald Trump de sa base électorale. Fin juin, sous prétexte de lutte contre le discours de haine, la plateforme Reddit a, supprimé « r/The_Donald », un groupe pro-Donald Trump créé en 2016 equi comptait près de 800 000 membres. La plateforme Twitch, contrôlée par Amazon (Jeff Bezos, PDG d’Amazon est un ennemi déclaré du président américain) et la plateforme Viber ont emboité le pas de Twitter et Reddit en censurant certains des messages de Donald Trump.
Rien de nouveau?
Certains diront que les grandes entreprises se sont toujours engagées en faveur de tel ou tel candidat. En réalité, les grandes entreprises ont pendant longtemps financé aussi bien le candidat républicain que le candidat démocrate. Elles mettaient des billes dans les deux camps. Aujourd’hui, drapeau antiraciste au vent, les multinationales américaines ont entrepris de dézinguer le candidat républicain.
L’affaire George Floyd, concomitante de l’affaire Facebook, indique que ce tournant antiraciste est bien plus qu’une simple posture marketing. En dépit des déclarations très violentes du mouvement marxiste noir Black Lives Matter, Amazon est allé jusqu’à annoncer son soutien au mouvement sur la page d’accueil de son site. « Se taire, c’est être complice. La vie des Noirs compte », a déclaré Netflix sur Twitter. Disney, la Fox et la plateforme de films Hulu ont également fait un signe à BLM. Apple Music s’est jointe à la campagne «Black Out Tuesday» pour sensibiliser les gens aux problèmes d’inégalité ethnique systémique. Les marques de bonbons Gushers et Fruit by the Foot se sont associées pour condamner la brutalité policière et « se tenir aux côtés de ceux qui luttent pour la justice ». Nike, Apple, Microsoft ont suivi Amazon et versent à Black Lives Matter des sommes à sept chiffres.
Des soutiens à un mouvement belliqueux
Le soutien apporté par les grandes entreprises américaines à Black Lives Matter est un soutien à un mouvement révolutionnaire qui compte des milices dans cinquante États, qui occasionnent des violences aux côtés des Antifas et qui affirme que le racisme est systémique aux États-Unis. Voir les multinationales américaines soutenir un mouvement noir qui s’attaque aussi radicalement à l’Amérique, à son histoire et à sa culture a de quoi surprendre.
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Dans les années 1930, les industriels allemands finançaient le parti nazi dans l’espoir d’en finir avec le parti communiste allemand, avec les résultats que l’on sait. Hostiles au « populisme » de Donald Trump qui arrête l’immigration et oblige les entreprises américaines à quitter la Chine pour se recentrer sur le sol des États-Unis, l’élite économique et financière américaine aurait-elle envie d’enrayer le processus en cours et d’empêcher la réélection de Donald Trump ?
Cory Maks, chercheur en sciences politiques et maitre de conférences à l’Université George Washington, constate depuis 2008 une augmentation spectaculaire de l’activisme des grandes entreprises sur ces sujets liés à la race, à l’immigration et aux droits des LGBT. Il explique ce phénomène par le fait que les dirigeants des grandes entreprises sont issus de l’élite riche traditionnellement plus progressiste socialement que les pauvres. Cette élite progressiste a tendance à utiliser le pouvoir économico-politique de leurs entreprises en faveur de buts qui vont « bien au-delà des intérêts économiques de cette entreprise ». L’action des patrons de Twitter, Amazon, Apple, Netflix et de bien d’autres apporte la preuve que cette élite économique a une idéologie politique personnelle à promouvoir.
Dans un article intitulé « Les sauveurs blancs de l’Amérique » publié sur tabletmag.com, le chercheur Zach Goldberg montre que sur les questions de justice raciale et de justice sociale, « les progressistes blancs sont touchés par un progressisme si radical qu’ils sont aujourd’hui le seul groupe démographique d’Amérique à afficher un parti-pris qui place les intérêts d’autres groupes ethniques au-dessus des intérêts de leur propre groupe ethnique ». Goldberg estime que les progressistes blancs américains font aujourd’hui passer les intérêts des minorités de couleur et des immigrants avant leurs propres intérêts et avant l’intérêt des Etats-Unis eux-mêmes.
Millénarisme multiculturel
Des sondages menés par le Roper Center for Public Opinion ont montré que les perceptions des progressistes blancs sur les discriminations subies par les Noirs sont en évolution rapide. Ainsi, de 1996 à 2010, le nombre de progressistes blancs qui considéraient que les discriminations infligées aux noirs représentaient un motif de préoccupation « très sérieux » était stable (27% en 1996 avec un léger déclin à 25 % en 2010). Mais à partir de 2010, le tournant s’amorce et en en 2015, les progressistes blancs sont 47% à s’horrifier des discriminations subies par les noirs. En 2016, ils sont 58%.
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Sur un sujet similaire, le traitement judiciaire des Noirs, les mêmes évolutions se remarquent. En 1995, 2000, et 2007, un progressiste blanc sur deux estimait que la justice traitait aussi équitablement les noirs que les blancs. Mais en 2014, 70% des progressistes blancs estimaient que la justice affichait un « parti pris négatif » envers les noirs tandis que le pourcentage de ceux qui affirment que les noirs sont « judiciarisés équitablement » est tombé à 20%.
Ces progressistes blancs sont frappés de ce que le politologue Eric Kaufman a appelé le « millénarisme multiculturel », soit la croyance que la disparition de la majorité blanche ouvrira la voie à une société plus progressiste et plus juste sur le plan racial. C’est pourquoi le soutien apporté par certaines catégories de progressistes blancs à l’immigration et à l’ouverture toujours plus grande des frontières coïncide avec la critique toujours plus acerbe des « privilèges blancs » et cet étonnant soutien à Black Lives Matter.
Le bon sens inciterait à tourner ces mouvements de pensée en dérision. Mais on aurait tort. Le millénarisme finit rarement en fête familiale. Cette révolte des progressistes blancs est moins balisée, moins évaluée et étudiée en France et en Europe, qu’elle ne l’est aux États-Unis. Les chiffres et les études manquent. La révolte des progressistes blancs n’a pourtant rien d’exclusivement américain, elle existe ici aussi et est tout aussi virulente. La prise en main des rues par nos Black Blocks, la prise en main des universités par nos islamo-gauchistes sont là pour le prouver.
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