À la tête du Bistrot des Halles, Vincent Limouzin entretient la tradition bistrotière qui a fait la réputation du ventre de Paris. Dans un décor inchangé depuis les années 1950, il sert une cuisine canaille savoureuse et les vins de vignerons qu’il connaît. Ses clients deviennent vite des habitués et, surtout, des amis.
Le Bistrot des Halles, quand on le connaît et qu’on l’aime, c’est comme une deuxième maison. On y retrouve souvent les mêmes têtes. Et avec le personnel, on finit par avoir l’impression d’être en famille. Quand on y est, on n’a plus vraiment envie d’en sortir. On a toujours envie d’un dernier verre, d’un dernier rire. C’est un bistrot comme on en trouve de moins en moins, surtout à Paris !
Tout cela tient à son patron, Vincent Limouzin. Un sacré gaillard. Un gars à l’ancienne. Rien qu’à voir le colosse, on comprend vite que l’établissement n’est pas végan. Ici, à peine avez-vous commandé un verre, même au comptoir, qu’on vous apporte une petite assiette d’une délicieuse saucisse sèche finement tranchée sans vous demander votre avis. Le comptoir… il est beau ici, il brille ! On adore s’y attarder. On y entend souvent parler de rugby ou de chasse, les deux passions du patron. Les casse-croûtes qu’on y sert à midi font l’âme de l’endroit. Casse-croûte oui, le mot « sandwich » est banni de la maison. La charcuterie et les fromages au lait cru (servis à température !) glissés dans une baguette croustillante constituent un morceau de haute volée. À table défilent les classiques de la cuisine canaille : œufs mayo, escargots, céleri rémoulade aux écrevisses, harengs pomme à l’huile, andouillette et filet de rumsteck-frites… Il n’est pas rare non plus de tomber sur de savoureux ris d’agneau à la grenobloise ou sur une belle tête de veau. Une cuisine sans chichis, généreuse, parfaitement réalisée et soigneusement présentée. Pas de doutes, nous sommes aux Halles ! Ou plutôt dans l’un de ses vestiges dont Vincent est le gardien, le sauveur. Son bistrot – resté dans son jus des années cinquante avec ardoises, néons, nappes et serviettes à carreaux – est un petit îlot de résistance au cœur de ce quartier dont l’âme a disparu. On y rit, on y mange, on y boit parfois à grosse lampée, c’est une douce fête. Même au déjeuner, la clientèle (toujours plutôt bien habillée) n’hésite pas à festoyer au champagne avant de retourner bosser. La vie quoi ! « Le champagne, c’est un peu moi qui l’ai imposé ici. Comme j’en bois souvent, les clients et les amis me suivent ! » explique le patron. D’ailleurs, on y croise souvent Arnaud Jacquinet, grand personnage de la maison Moët et Chandon. Vincent est un bon vivant et sa gourmandise, sa générosité soufflent dans ce bel établissement. « Je suis Vendéen. Fils de charcutier. Depuis petit, j’ai toujours aimé le commerce. Le fait que le client se régale, qu’il passe un bon moment, c’est un plaisir que je partage avec lui. » La restauration, c’est sa vie. D’abord chef de partie, puis sous-chef de cuisine dans plusieurs établissements renommés, il devient finalement chef de cuisine à la Maison de l’Amérique latine, où il officie pendant quatre ans. Mais son truc, c’est le bistrot. Après plusieurs affaires prises en gérance, il se tourne il y a neuf ans vers un petit troquet de l’ancien ventre de Paris : Le Bistrot des Halles. Et c’est là qu’il donne toute sa dimension. « Ici j’ai trouvé ce qui me ressemblait. Un petit bistrot familial dans lequel je pouvais faire vivre ma vision de la restauration : les bons produits, la simplicité, le réconfort, le partage, la joie, les rires. » Et c’est un pari réussi ! C’est un refuge. Le clafoutis qui, toujours, repose derrière le comptoir nous rassure. Tout comme la savoureuse terrine maison, dont le père de Vincent n’aurait pas été peu fier. Et puis la gentillesse du personnel ! Leurs sourires ! Leur diplomatie, leur sérieux et leur efficacité sont dignes des grandes tables parisiennes. La clientèle forme elle aussi une joyeuse troupe. Ici, on retrouve le monde du vin, du rugby, de la chasse, des courses hippiques et de Rungis. Hommes d’affaires et avocats côtoient ouvriers et gourmets. Le matin, dès l’ouverture à sept heures, les éboueurs sont là pour le petit déjeuner. Quelle que soit l’heure à laquelle on passe, on ressort avec un peu plus de joie au cœur. Le Bistrot affiche souvent complet mais le patron essaie toujours de vous trouver une petite table. « Ça peut paraître naïf, mais j’aime les gens. Avec mon équipe, on donne tout pour que le passage au Bistrot soit pour chacun une parenthèse dans leur journée. Un petit moment de bonheur. »
Il serait malhonnête de dire que le vin ne participe pas de ce bonheur. Vincent Limouzin travaille majoritairement en direct avec les vignerons. La bouteille emblématique de la maison est le Saint-Amour de chez Bataillard. Et le Chitry rouge du domaine Colbois n’est pas mal non plus… En 2019, le Bistrot reçoit le prix de la Bouteille d’or décerné par l’association Tradition du vin. « J’ai la chance d’avoir une clientèle de bons vivants. Ici, on voit assez peu d’eau sur les tables. Mes clients sont un peu à mon image. Et d’ailleurs, ils participent de l’âme de ce bistrot. » Vous l’aurez compris, Le Bistrot des Halles et son patron, ogre au grand cœur, sont indissociables. On vient autant pour l’un que pour l’autre. Et c’est pour ça que ça fonctionne ! « Pour que ça tourne, il faut que le taulier soit toujours présent. C’est ce qui fait ma force ici. Et ça, c’est de plus en plus rare. Enfant, j’ai vu mon père vivre pour les clients, uniquement pour eux. Eh bien je crois pouvoir dire qu’aujourd’hui, dans mon domaine à moi, je fais perdurer l’esprit de mon père. » Pour ma part, quand je franchis la porte de cette maison, je pense à cette phrase que prononce une amie à chaque moment de joie intense : « La vie, ça devrait toujours être comme ça ! »
Le Bistrot des Halles
15, rue des Halles
75001 Paris
Tél. : 01 42 36 91 69