Les forestiers forment la cheville ouvrière sans laquelle la biodiversité en forêt ne pourrait être préservée. Cette mobilisation en faveur du bien commun mérite d’être encouragée et récompensée.
Après la récente clôture des Assises du Bois et de la Forêt, la multifonctionnalité de la forêt a été réaffirmée. Il s’agit d’une des spécificités du modèle français où la gestion forestière a été façonnée de telle sorte que les forêts remplissent trois fonctions : une fonction environnementale, une fonction de production de ressource durable et une fonction sociétale.
Cette notion n’a pas toujours fait l’objet d’un consensus, et aujourd’hui encore, plusieurs visions de ce à quoi nos forêts doivent être dévolues s’affrontent : certains activistes plaident pour une sanctuarisation de la forêt, alors même que la capacité des industries françaises à être présentes sur le marché du bois – décliné en une myriade de variations propres aux différents massifs forestiers et typicités locales – est une question de souveraineté. Le changement climatique, dont les ravages sont visibles en forêts, a imposé une prise de conscience collective des services environnementaux rendus par les forêts et de leurs richesses en matière de biodiversité.
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Diversité des paysages ou des écosystèmes, diversité des espèces et diversité génétique : la biodiversité s’apprécie à différents niveaux et les forestiers privés et publics y contribuent quotidiennement. La hausse du nombre de formations, de circulaires, de nouvelles publications dans la littérature forestière, et de recommandations institutionnelles à ce sujet dans le milieu des sylviculteurs depuis plus de dix ans témoigne de la mobilisation collective. Elle est motivée par le simple bon sens : les pratiques en forêts se doivent d’être respectueuses, car le maintien des équilibres, auxquels la biodiversité participe largement, est essentiel pour la préservation du patrimoine naturel et la production de bois.
Améliorer la résilience des forêts françaises face au changement climatique
La prise en compte de la biodiversité nécessite une réflexion dans laquelle on se projette vers l’avenir. La réalisation d’un document de gestion permet d’encadrer les interventions en forêts. Il est aussi nécessaire de rappeler que les forestiers ont depuis plus de 30 ans drastiquement limité, sur leur propre initiative, l’utilisation d’intrants nocifs (désherbant, insecticide, fongicide…) en forêts. Au quotidien, il s’agit aussi bien souvent d’une question de bon sens. Par exemple, en préservant les tourbières, ces zones humides à la biodiversité remarquable, car elles ne sont pas adaptées pour accueillir des plantations. Il en va de même avec le choix des essences à planter : la diversification des essences est largement appliquée par les sylviculteurs, a fortiori parce qu’elle constitue un levier éprouvé de résilience des forêts face au changement climatique.
Ces actions portent leurs fruits : les populations d’ongulés sauvages n’ont jamais été aussi fortes et aucune espèce animale ou végétale au biotope strictement forestier n’est menacée en France métropolitaine. En dépit de ce que certains militants veulent faire croire, on ne peut pas comparer la destruction de forêts tropicales liée à la production d’huile de palme, qui menace des populations animales emblématiques comme l’orang outan, et l’exploitation de quelques hectares de résineux pour produire du bois utile à la société en forêt régulière dans le Morvan.
Récompenser les bons élèves en matière de biodiversité
C’est pour cela qu’il serait vivement souhaitable de faire émerger un outil de contrôle qualitatif et quantitatif national de la biodiversité. Ainsi, il sera possible d’encourager et de récompenser les forestiers qui mènent des actions en faveur de la biodiversité. Jusqu’à présent, ce travail au service du bien commun est bien mené “gratuitement”.
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Alors, l’idée de rémunérer, même symboliquement, des zones forestières ou des aménagements forestiers à faible intérêt sylvicole mais précieux pour la biodiversité, serait une juste rétribution rendue aux forestiers par la société. Cette démarche permettrait de passer d’une écologie punitive à une écologie incitative, bien plus efficace qu’un arsenal d’obligations et de sanctions.
Sans compter qu’avec ce système, au vu de la distribution du foncier forestier français, on favorisera une multitude de placettes dédiées à la biodiversité au milieu de parcelles dédiées à la productivité sylvicole, dans tous les massifs forestiers de France et de Navarre. Ainsi, on évitera l’écueil des solutions radicales du « tout sanctuarisé » ou « tout industrialisé ».
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