Au regard de ce qui paraît se dessiner pour les résultats électoraux de ce 7 juillet, la France de droite pourrait avoir le sentiment légitime de s’être fait voler la plénitude de sa victoire, parce que des petits arrangements politiques ont été préférés à la transparence de la démocratie…
On ne sait pas de quoi sera fait le 7 juillet au soir mais il semble tout de même que la formidable opération de dénaturation des résultats du premier tour et de leur logique qui avec le scrutin majoritaire aurait probablement entraîné la majorité absolue, va réussir. Puisque « le RN poursuit sa baisse, rattrapé par la gauche et la macronie »[1]. Car, à l’évidence, le seul objectif de cette dernière, conduite par un Premier ministre omniprésent et usant d’une argumentation si habile qu’elle dissimulait la mauvaise foi, n’oubliant jamais qu’il avait été de gauche, était seulement d’interdire au RN d’obtenir la majorité absolue. Et beaucoup de s’en féliciter. Cela ne veut pas dire qu’au sein du camp présidentiel et de la part de quelques ministres en liberté, cette position était unanimement acceptée. Par exemple, aussi bien Gérald Darmanin que Bruno Le Maire déniaient avoir l’intention de voter pour la France insoumise face au RN. Gabriel Attal, dans son alacrité de dialecticien redoutable, voulant faire feu de tout bois, mettait en garde contre le RN car, s’il accédait au pouvoir, il y aurait beaucoup de violence. J’entends bien qu’il faisait allusion à une exclusive violence politique car, sinon, son propos aurait été absurde puisque précisément la violence, crimes et délits confondus, ensauvage notre pays, notamment depuis un an, et qu’entre les deux tours elle a continué à sévir. C’est évidemment la faiblesse régalienne du macronisme qui a fait, sur ces thèmes, la force du RN. L’inquiétant visage de la délinquance en France sur les douze derniers mois est significatif : selon les tout derniers chiffres, Beauvau recense chaque jour un millier d’agressions, 1 500 actes de vandalisme, 600 cambriolages. Et une attaque avec arme par heure[2]. La campagne a été menée dans un climat de violence politique et même physique, et ce, avec une responsabilité partagée et des victimes de toutes étiquettes.
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La France conservatrice se fait voler l’élection
Ce bilan à la fois structurel et conjoncturel, comme l’a souligné Dominique Reynié[3], valide ce que les Français ont placé au premier plan de leurs préoccupations auxquelles ni la droite ni la gauche n’ont jamais su apporter de réponses efficaces : la sécurité, l’immigration et l’identité. « Il y a eu des phrases, des discours, il y a eu des coups de menton mais rien ne s’est passé… ». C’est à cause de ces problématiques, ou grâce à l’espérance de les voir régler un jour, que le RN a accompli sa poussée considérable aussi bien aux Européennes, en grande partie détournées de leur objet principal, qu’au premier tour des législatives. Si la machine médiatique et politique anti-RN a rempli sa fonction, aidée aussi par les variations et fluctuations du couple Marine Le Pen-Jordan Bardella aussi bien dans le fond que dans la forme, il n’en demeure pas moins qu’au regard de ce qui paraît se dessiner pour le 7 juillet, une part substantielle de la France de droite, conservatrice, pourra avoir le sentiment de s’être fait voler la plénitude de sa victoire parce que les arrangements ont été préférés à la transparence de la démocratie. Que le peuple aura été grondé pour n’avoir pas été discipliné et qu’on aura tout fait pour redresser la barre.
M6 diffuse les propos anti-RN de Jules Koundé en période de silence électoral
Je l’ai déjà écrit dans un précédent billet (« Tous fous à lier… sauf le peuple ! ») mais on ne peut qu’être effaré par la multitude des voix singulières et/ou collectives qui ont cru bon de nous admonester pour nous inciter au « bon » vote – au risque que leurs consignes soient contre-productives – et par certaines provocations médiatiques qui dans une totale désinvolture ont violé les règles du silence politique à partir du samedi 6 juillet. Ainsi M6 s’est permis de reproduire les propos du footballeur Jules Koundé contre le RN !
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Non seulement la dissolution a été un terrifiant coup de poker qui a montré la véritable nature du président – le joueur, l’esthète, le narcissique qui ne sait décidément pas, comme de Gaulle le reprochait à Giscard d’Estaing, que l’Histoire est tragique – mais ses suites feront vraisemblablement éclater notre pays en trois groupes.
Et il serait paradoxal que ce soit le moins important qui puisse prendre la main pour préparer l’Assemblée nationale de demain. En effet, « la macronie est en lambeaux. Il ne reste qu’un vague agrégat de gens qui, au fond, n’ont plus grand-chose en commun », selon un ministre de haut rang (Bruno Le Maire ?). Mais si je peux oser un pronostic, le président ne démissionnera pas. Il persévérera dans son être et la Constitution de la Ve République, souple, ductile, adaptable à toutes les situations, ne le contraindra pas à s’effacer. Juste avant l’inconnu, il y a déjà eu de l’insupportable.
Retrouvez également Philippe Bilger dans le nouvel épisode de notre podcast, ici : De Macron aux rappeurs, le mépris de la démocratie, les crimes de lèse-majesté médiatique
[1] https://www.lefigaro.fr/elections/legislatives/legislatives-le-rn-poursuit-sa-baisse-rattrape-par-la-gauche-et-la-macronie-decouvrez-la-derniere-projection-en-sieges-du-figaro-avant-le-second-tour-20240705
[2] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/l-inquietant-visage-de-la-delinquance-en-france-sur-les-douze-derniers-mois-20240705
[3] https://www.lefigaro.fr/politique/mais-que-va-t-il-se-passer-apres-dominique-reynie-les-tourments-tristes-d-un-politologue-20240705
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