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Emmanuel Macron entre guerre et paix

Le président français peut exploiter politiquement l'embarras des oppositions quant à Poutine


Emmanuel Macron entre guerre et paix
Emmanuel Macron interrogé par Gilles Bouleau et Anne-Sophie Lapix. Capture d'écran.

Beaucoup de voix critiquent en France les déclarations récentes du président Macron sur la Russie. Comme pour se voiler la face: notre continent est dans une impasse tragique, à cause de Vladimir Poutine.


On ne peut pas dire, comme Eric Zemmour récemment, qu’au sujet de l’Ukraine, le président de la République mène « une guerre contre les Français » . Je ne pense pas la même chose au sujet de ses dérives sociétales – constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse, projet sur l’aide active à mourir, réflexion présidentielle sur le viol et le consentement – qui semblent occuper tout le champ de ses préoccupations nationales alors que, par ailleurs, sur le plan international il est fortement mobilisé sur l’Ukraine et Israël. En donnant parfois l’impression qu’il n’est guère soutenu, ce qu’il a récusé dans l’entretien du 14 mars (TF1-France 2).

Difficile de contredire Macron sur Poutine

Entre les deux, il y a la France, ce qui la menace au quotidien, ses peurs, ses attentes, ses frustrations et son impatience face aux échéances qui s’annoncent – les élections européennes mais surtout le grand moment de 2027.

Il n’en demeure pas moins qu’en toute humilité intellectuelle et politique, je ne peux qu’approuver le socle central de l’intervention du président de la République sur Poutine, sur l’Ukraine et sur la position française face à Israël et au Hamas.

Poutine va être réélu face à trois adversaires fantoches et qui peut nier l’affirmation d’Emmanuel Macron, répétée à plusieurs reprises, que le dictateur russe ne doit pas gagner cette guerre, faute de quoi les pays voisins et l’Europe, son esprit et sa sûreté, seraient gravement et inéluctablement en péril ? Pas davantage il n’est à contredire quand il soutient que Poutine est le seul responsable des malheurs qu’engendre son invasion illégitime de l’Ukraine et que son offensive menée avec un cynisme total et un mépris affiché du droit international doit être vaincue coûte que coûte.

On comprend bien aussi pourquoi cette résolution d’Emmanuel Macron impose l’instauration d’un rapport de force, quel que soit l’apparent déséquilibre de la puissance guerrière entre la Russie sans scrupule et la courageuse Ukraine. Laisser entendre à Poutine qu’on n’irait pas au bout de ce que son impérialisme impose, qu’on se fixerait d’emblée des limites qui lui garantiraient une forme d’impunité, constituerait la pire des stratégies. Contre un ennemi de cette sorte – à distinguer du peuple russe dont le soutien est en grande partie forcé et contraint – il n’y a pas d’autre riposte possible que celle d’une fermeté proclamée et concrétisée de plus en plus par une assistance militaire et civile octroyée au président Zelensky, conformément à l’accord bilatéral signé à l’Elysée le 16 février dernier portant en tout sur trois milliards. Je ne méconnais pas les difficultés tant militaires que budgétaires qui, selon certains spécialistes, vont entraver la pleine réussite de ces engagements présidentiels dont la trahison même partielle rendrait tragiquement vain le discours de vigueur et de résistance qui les sous-tend. Mais, en m’excusant pour ces considérations profanes que j’assume car le citoyen que je suis a le droit de poser des questions quand les réponses ne dépendent pas de lui puisqu’il est loin de tout savoir, je m’interroge sur le futur. En acceptant la légitimité et le parti pris très honorable de la farouche volonté présidentielle de ne rien céder à Poutine, ne peut-on pas craindre que cette attitude noblement belliqueuse dans son principe, ne nous enferme dans une sorte d’impasse ?

Quelle que soit la malfaisance d’un Poutine dont il ne faudra rien attendre sur le plan de la rationalité diplomatique mais tout dans le registre de la provocation sanglante, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Russie, il conviendra bien, un jour, d’être plus intelligent que lui. De Poutine ne surgira que le pire : laisser une chance au meilleur ne pourrait-il être notre honneur français ? Il ne viendra pas par enchantement mais par volonté.

Opposants contrariés

J’entends bien l’argument présidentiel qui souligne que pour gagner la paix, il faut sinon remporter la guerre, du moins ne pas permettre à l’ennemi de douter du fait qu’on usera de TOUS les moyens pour le vaincre. Mais si on n’y arrive pas, on fait comment ? Si on persiste, en ce sens, dans l’affirmation d’une absence totale de limites et de lignes rouges, à supposer qu’elle intimide l’ennemi mais sans lui interdire une supériorité militaire et la possibilité de l’écrasement adverse, comment parviendra-t-on à sauver l’avenir de toute guerre, qui doit être la paix ? Si, dans le fil de l’implacable déroulement d’une logique guerrière, des troupes françaises au sol devront être réellement engagées, comment ménager, si peu que ce soit, un espace pour un futur apaisé ?

C’est en raison de cette impasse tragique d’aujourd’hui, aussi héroïque qu’elle soit et sans doute plus résistante chaque jour grâce à l’aide militaire accrue, que je ne méprise pas les contradictions des opposants à ce que Emmanuel Macron cherche à présenter comme la seule politique internationale possible. De quelque bord qu’ils soient, ils ne sont pas des traîtres parce que, si j’ai bien saisi, ils n’excluent pas de concéder à la Russie, pour une négociation et un compromis acceptables, la satisfaction territoriale et diplomatique de certaines de ses exigences – ses lignes rouges à elle – en échange de la sauvegarde d’une Ukraine qu’il serait honteux de sacrifier, après son admirable résistance et sa démocratie imparfaite face à un Poutine qui n’est pas Hitler mais ressuscite une forme de stalinisme.

La possible réélection d’un Donald Trump, et le projet qu’il a affiché « de ne plus donner un sou pour l’Ukraine », constituent une motivation de plus pour ne pas procrastiner au sujet de Poutine et de l’Ukraine. Probablement, malgré la guerre et les risques de la voir s’amplifier et se généraliser, dans les coulisses des contacts, des esquisses d’entente se déroulent-ils ? Il faut à la fois soutenir notre président qui, je l’espère, n’est pas seul dans sa vision – et les saillies ordurières d’un Medvedev vont accentuer notre adhésion – et, chacun dans notre coin, oser modestement cette interrogation : la paix a-t-elle encore une chance d’advenir?

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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